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Angela Gheorghiu en concert au Théâtre des Champs-Elysées - Quel cinéma ! - Compte-rendu
Ses admirateurs en ont eu pour leur argent : trois tenues – mais une seule, élégante, aurait suffi – trois coiffures à postiches, quand ses consœurs ont l'habitude de conserver la même le temps d'un concert, le tout accompagné d’œillades et de pauses compassées que l'on pensait ne plus jamais voir sur une scène. Le programme aseptisé à l’extrême, ne risque pas de fatiguer la « star » : chaque air et duo est choisi pour ne froisser ni le légendaire legato, ni le timbre soyeux de la cantatrice qui ne privilégie désormais que les voyelles, préférant gommer son chant de tout effort de diction.
A peine prononcés, les mots s'enchaînent ainsi les uns aux autres pour composer une guirlande sans fin, généralement terminée par d'interminables piani. Mais où sont les larmes, les douleurs, les angoisses et les passions qui animent les héroïnes d'opéra ? Certainement pas ici où tout est cotonneux, étiré, sans sel, sans vie et donc totalement artificiel.
Desdemona prie comme en extase devant la vitrine d'un magasin de luxe, la Wally donne le sentiment de regretter d'avoir mis ses escarpins Louboutin au lieu de derbys plus confortables, surtout en montagne, Adriana minaude comme la Lauretta du « Babbino caro » (donné en bis!), tandis que Mimi prévoit déjà de faire l'impasse sur les préliminaires une fois rentrée de chez Momus avec le bon Rodolfo, aguicheuse comme Suzel (L'amico Fritz) bien peu innocente avec ses cerises... ! Ne cherchez surtout pas de caractérisation, de profil dramatique ou d'intensité dans ces apparitions dénuées de la moindre altérité, où l'hédonisme musical est un leurre, tant il est grossièrement érigé en concept.
Pour briller davantage encore dans ce monde stérilisé, Angela Gheorghiu n'a rien trouvé de mieux que d'imposer à ses côtés un obscur ténor roumain du nom de Marius Vlad Budoiu, qui plus est aphone, pour lui servir de faire-valoir. Véritable caricature, sorte de marionnette tout droit sortie du Muppet Show, le chanteur à la voix laide et dérapante s'évertue à lui donner la réplique – mal évidemment ! - et à martyriser nos oreilles avec Canio, Otello et Lohengrin, piètrement dirigé par Tiberiu Soare à la tête du Deutsche Staatsphilharmonie Rheinland-Pfalz.
Merci pour le moment, a-t-on envie de dire après pareille épreuve ...
François Lesueur
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 9 novembre 2014
Photo © Sasha Gusov
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