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Avec le Jeune Orchestre Atlantique - Une interview de David Stern

Fondé en 1996 à l’initiative de L’Orchestre des Champs-Elysées, du Centre d’Etudes Supérieures Musique et Danse de Poitou-Charente et de l’Abbaye aux Dames de Saintes, le Jeune Orchestre Atlantique (JOA) apporte une formation à des instrumentistes en fin d’études ou en début de carrière. Sessions d’orchestre, de musique de chambre, cours individuels et travaux de recherche les conduisent à un diplôme de « Formation supérieure au métier de l’orchestre classique et romantique ». De nombreux chefs ont déjà été amenés à partager leur expérience avec le JOA, de Philippe Herreweghe, bien entendu, à Sigiswald Kuijken, Christophe Rousset ou Oswald Sallaberger, en passant par Jos van Immersel et Jérémie Rohrer. Du 6 au 13 décembre, David Stern est de retour au JOA pour une session autour de Gluck, Hérold et Cherubini, couronnée par une série de trois concerts. Concertclassic en a profité pour l’interroger.

Comment a débuté votre relation avec le Jeune Orchestre Atlantique ? Quel est le profil de cette formation ?

David STERN : J’ai eu l’occasion d’animer une première session en 2008 et je le retrouve avec beaucoup de plaisir. Le JOA rassemble des jeunes de nationalités très variées, venus de toute l’Europe et parfois de bien au-delà - nous avons un Thaïlandais ! – qui participent à des stages, toujours sur des instruments d’époque, entourés de professionnels. Certains élèves ont déjà une bonne expérience de ces instruments, mais la grande majorité des participants les découvrent. Je pense ainsi à des bassonistes qui n’ont jamais joué de basson romantique et pour lesquels le professeur a apporté des instruments. En revanche je suis cette fois très impressionné par le niveau des flûtes et des cors. Le but est de parvenir à un maximum d’homogénéité d’ensemble au cours du stage… C’est le défi d’une telle entreprise !

Comment justement le chef, habitué à des orchestres plus expérimentés et plus homogènes, que vous êtes vit-il une session telle que celle que vous animez en ce moment ?

D.S. : Le plus important est de se confronter à l’épreuve du répertoire choisi. Nous nous concentrons cette fois sur Gluck (des extraits orchestraux d’Orphée et Eurydice), Hérold (le Concerto pour piano n°4 interprété par Dara Fadeeva) et, partie très importante de cette session, l’unique Symphonie en ré majeur (1815) de Cherubini. Il s’agit d’un ouvrage conservateur pour l’époque. Dans cette petite symphonie que ne change pas du tout la face du monde, le compositeur se souvient de ses racines italiennes ; il pense bel canto dans le domaine instrumental. Je trouve cela très beau. On y trouve une deuxième mouvement superbe et un troisième parfaitement italien. Après sa rencontre avec Cherubini, le jeune Mendelssohn a comparé son aîné à un « volcan épuisé couvert de cendre ». Mais il a retenu des choses de l’écriture de Cherubini dans Le Songe d’une nuit d’été ou la Symphonie « Italienne » et ne peut pas complètement nier l’effet de ce « volcan ».

Avec certaines musiques il me paraît très important de ne pas négliger la tradition du bel canto. La Symphonie de Cherubini est très adaptée pour mettre l’accent sur cet aspect. Beauté, continuité de la ligne y sont essentielles et je travaille avec les membres du JOA en insistant sur la nécessité de chanter et de soutenir le son.

Comment ces jeunes musiciens réagissent-ils face à cette œuvre méconnue de Cherubini ?

D.S. : Au premier degré on ne comprend pas vraiment où est l’intérêt de cette partition. Ce n’est pas une musique qui marche toute seule ; il faut travailler, chanter, faire ce pas supplémentaire qui n’est pas nécessaire avec Mozart, Beethoven ou d’autres compositeurs. En procédant ainsi les instrumentistes découvrent que la musique peut vraiment être exprimée d’une manière qui la rend plus belle.

Vous étiez déjà présent face au JOA en 2008 (avec Jean-François Heisser au piano), vous le retrouvez cette année : quel bilan tirez vous de cette double expérience ?

D.S : En fait, il y a des musiciens qui étaient déjà là en 2008 et que je retrouve cette année ; les choses marchent évidemment plus facilement avec eux. Si l’on songe au nombre de jeunes musiciens qui sont sortis du JOA pour entreprendre une belle carrière le bilan est très positif. L’un des cornistes de l’orchestre en 2008 travaille désormais de façon permanente avec moi au sein d’Opera Fuoco. Le programme JOA est très bien organisé et porte vraiment ses fruits.

Quels sont vos projets avec le JOA ?

D.S. : Rien de précis pour l’instant. Mon activité à l’Opéra de Saint-Gall, où j’ai passé quatre ans, prend fin et, désormais, je ne vais plus me consacrer qu’à l’Opéra de Tel Aviv et à mon ensemble Opero Fuoco. Ce n’était pas simple d’avoir la charge de deux maisons d’opéra à la fois… Je vais donc avoir plus de temps pour regarder mon calendrier. J’aimerais beaucoup travailler la Symphonie en ut de Wagner ; une œuvre rarement jouée, qu’il est difficile de programmer dans une saison d’orchestre, mais que le JOA serait tout à fait prêt à aborder.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 9 décembre 2011

Session et tournée du Jeune Orchestre Atlantique
Du 6 au 13 décembre 2011
Concerts à Châteauroux, salle de l’Equinoxe (11/12 à 17h) ; Gradignan, Théâtre des 4 Saisons (12/12 à 20h 45) ; Saintes, Abbaye aux Dames (13/12 à 20h30).

Pour en savoir plus : www.abbayeauxdames.org

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Photo : DR
 

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