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Barcelone - Compte-rendu : Andrea Chénier - Attente déçue
Après avoir fait les beaux soirs des plus importants théâtres lyriques d’Europe, des années cinquante à quatre-vingts, Andrea Chénier est devenu rare. Placé en ouverture de la saison du Liceu de Barcelone, l’ouvrage de Giordano était donc très attendu, d’autant plus que José Cura tenait le rôle principal (en alternance avec Fabio Armiliato et Carlo Ventre).
Comme toujours à Barcelone, les moyens ne manquent pas, mais derrière cette débauche de décors, de costumes, de figurants et de danseurs, faut-il encore qu’un metteur en scène inspiré se cache. Or, Philippe Arlaud s’est attaqué à cet opéra sans y croire, davantage préoccupé par la création d’images fantasmées d’une Révolution française dont il raconte les heures noires avec désinvolture. Projections vidéo, parois tranchantes comme la lame des guillotines posées sur une tournette, bruitages intempestifs, peuple déguisé, tout veut suggérer l’illusion de la liesse, alors que sur le plateau ne règne qu’une fausse agitation. Visiblement effrayé par le vide et les espaces ouverts, Arlaud meuble à tout prix (ballet de cuisiniers, cortège de sans-culottes, prostituées, ...) incapable de diriger les interprètes qu’il s’obstine à laisser bras ballants, ou assis par terre, sans la moindre indication. Les scènes clés du tribunal révolutionnaire ou de la prison Saint-Lazare tombent donc à plat, sans susciter l’enthousiasme et faire oublier les procédés théâtraux et vocaux exploités par le compositeur.
José Cura possède la densité, la gravité blessée et l’aura du poète, dont il nuance chaque intervention avec une retenue qui décuple son attraction vocale. Alors qu’il a tout pour transporter l’assistance, beauté du timbre, rayonnement physique, projection, on déplore de le voir sous-employé par un metteur en scène qui ne se rend pas compte de la chance qu’il a. Lui avoir associé Deborah Voigt s’avère, de plus, un contresens. La jeune fille passionnée, engagée, prête à tout pour mourir dans les bras de Chénier n’est ici qu’une caricature (que de cris inutiles, de phrases expédiées, d’effets appuyés), la cantatrice livrant une de ses plus mauvaises prestations.
Carlos Alvarez est tout simplement remarquable en Gérard dont il domine la tessiture et les imprécations - comme avant lui Ettore Bastianini -, seul avec Cura à habiter la scène et à faire exister son personnage. Sèche et sans envolée, la direction de Pinchas Steinberg à la tête de l’Orchestre symphonique du Grand Théâtre ne porte pas les chanteurs, que l’on sent bridés. A trop vouloir gommer le vérisme facile de la partition, même les vingt dernières minutes, habituellement embrasées, perdent de leur électricité. Dommage, nous attendions plus.
François Lesueur
Giordano : Andrea Chénier, Gran Teatre del Liceu, Barcelone, 29 septembre 2007.
Photo : Antoni Bofill
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