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Béatrice et Bénédict à l’Opéra de Cologne – En son essence délicate – Compte-rendu
Poursuivant son parcours Berlioz, François-Xavier Roth concocte à l’Opéra de Cologne, ville dont il est Generalmusikdirektor, un Béatrice et Bénédict qui tient bien ses promesses, en attendant d’autres prometteurs Troyens prévus dans cette même institution (1). Cette production revient toutefois d’un peu loin, puisqu’elle avait été programmée il y a deux ans avant d’être reportée en raison de la situation sanitaire. C’est le StaatenHaus qui l’accueille, ancien palais d’exposition où l’Opéra de Cologne se réfugie en attente de la rénovation de son théâtre (à l’ouverture différée d’année en année, et désormais envisagée pour 2024). Pas exactement un théâtre, sinon une vaste salle avec fauteuils en gradins, sans réelle machinerie ni cintres, et sans fosse d’orchestre ; ce qui explique les circonstances de la production.
François-Xavier Roth © Marc Allen
L’orchestre est ainsi relégué dans un contre-bas sur le côté, alors que la scène se présente en avant sur un large plateau pentu. Ce qui ne correspond pas vraiment au cadre où fut créée et pour lequel fut conçue l’ultime œuvre lyrique de Berlioz, en 1862 dans le petit théâtre de Baden-Baden, écrin de chambre avec scène réduite d’une immédiate proximité. Malgré cela, dans la salle de Cologne la sonorité bénéficied’une réelle présence. On goûte ainsi les charmes d’une orchestration toute de subtilités, à laquelle François-Xavier Roth, à la tête de son Gürzenich-Orchester, sait donner comme peu le parfum. Et cette délicatesse orchestrale, inhérente à Béatrice et Bénédict et si exigeante à transmettre, de se marier au mieux avec un plateau vocal des plus adaptés.
Jennifer Daviet (Héro) et Isabelle Druet (Béatrice) © Hans-Jörg Michel
Parmi autant de prises de rôle, Isabelle Druet (photo) figure une Béatrice de belle envergure, d’un souffle large et nuancé quand il faut.Le ténor étatsunien Paul Appleby avait, quant à lui, déjà interprété Bénédict à Glyndebourne ainsi qu’en version de concert au Palais Garnier en 2017 ; il maintient ici une ligne de chant ferme et une élocution avenante. La jeune soprano Jenny Daviet fait des débuts circonstanciés bien que parfois légers pour le rôle belcantiste de Héro, de même que Lotte Verstaen pour Ursule ; et leurs deux voix se conjuguent voluptueusement dans leur célèbre duo, tout comme dans le trio échangé avec Béatrice. Tout aussi appropriés sont Luke Stoker en Don Pedro et Thomas Dolié en Claudio ; ce dernier, remplaçant de dernière minute le baryton initialement prévu, et chantant avec bagout sur un côté de la scène. Le chœur, qui est à la fête dans cette partition enlevée, intervient avec bel aplomb.
Paul Appleby (Bénédict) © Hans-Jörg Michel
Tout serait ainsi dans le meilleur des mondes de ce Béatrice et Bénédict si rare. Musicalement tout du moins. Car la mise en scène de la Britannique Jean Renshaw ne s’en tient pas seulement à une belle animation du plateau, avec costumes et éléments de décor façon Sicile années 1950 (pourquoi pas ? bien que peu originale transposition, pour de ce marivaudage d’amours en non-dit d’après Shakespeare planté dans une Messine de la Renaissance). C’est ainsi que différents ajouts et modifications sont venus agrémenter les dialogues parlés. Et Ivan Thirion, bonne basse par ailleurs, en fait alors un peu trop dans le rôle, bouffe, du maître de chapelle Somarone. Que ne s’en est-on pas tenu aux dialogues tels que du livret et spirituels déjà en tant que tels ! Il est vrai qu’il fallait bien meubler le vaste plateau… Alors même que la musique jouit d’un strict respect de sa partition, servie au mieux dans son esprit et sa densité. L’essentiel finalement.
Pierre-René Serna
(1) Du 24 septembre au 15 octobre.
Berlioz : Béatrice et Bénédict – Cologne (Allemagne), StaatenHaus, 30 avril ; prochaines représentations les 5, 8, 11, 13 & 15 mai 2022 / www.oper.koeln
À noter que cette production sera reprise lors du prochain Festival Berlioz de La Côte-Saint-André, en version de concert.
Photo © Hans-Jörg Michel
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