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« Bel(s) Canto(s) » aux Bouffes du Nord – Plaisir d’arpèges – Compte rendu
Diplômé du Conservatoire de Genève en 2018, lauréat de la Fondation Royaumont la même année, Florent Albrecht est pianiste et surtout pianofortiste. Aux Bouffes du Nord, c’est sur un instrument de 1844 qu’il interprète toute une sélection de nocturnes de John Field, entrelacés à cette musique vocale qu’il avait prise pour modèle. Le concert offre donc une alternance de solos pour clavier et d’airs et duos pour voix, dans des éclairages subtilement dosés, de la pénombre à la pleine lumière, les déplacements des chanteuses ayant été réglés par Coraly Zahonero, sociétaire de la Comédie-Française.
A la douceur du jeu de Florent Albrecht, qui ne succombe jamais à la tentation du toucher brutal de certains pianofortistes, répond le charme des deux voix choisies pour incarner le versant vocal de cette soirée. On peut d’abord croire que Marie Perbost en sera la vedette, et que le répertoire allemand dominera, car c’est à elle que sont confiées les deux premières interventions chantées, deux Lieder signés Liszt et Schubert. Et l’on est heureux de constater que la soprano, couronnée Révélation par les Victoires de la musique en 2020, a confirmé ses promesses et les a mêmes dépassées : c’est avec émotion mais sobriété qu’elle interprète « Gretchen am Spinnrade », qui s’accommoderait mal de facéties.
Elle est rejointe par Chantal Santon-Jeffery pour un premier duo, la cantate Egle ed Irene de Rossini. Non sans un certain culot, les deux chanteuses s’attaqueront ensuite à « Mira, o Norma », à un très bref duetto de Weber en italien, et au duo La regata veneziana de Rossini. Sauf pour le premier, Marie Perbost chante à chaque fois la seconde voix, et c’est pour elle l’occasion de révéler tout un registre grave qu’on ne lui connaissait pas. Habituée des productions du CMBV et du Palazzetto Bru Zane, Chantal Santon-Jeffery explore les liens entre Liszt et Pétrarque, avec un beau « Oh quand je dors », et brille dans le plus exigeant « Pace non trovo ».
Marie Perbost revient seule pour « L’abbandono » de Bellini, mélodie dont l’accompagnement qui montre que le compositeur était capable de bien davantage que ces arpèges interminablement répétés auxquels on a tendance à réduire son écriture. En bis, les trois artistes sont à nouveau réunis dans une pièce postérieure au répertoire parcouru durant la soirée : « El Desdichado » de Saint-Saëns, dans sa version française. Et l’on espère que ce trio se reformera très vite, au concert ou au disque.
Laurent Bury
Paris, Théâtre des Bouffes du Nord, 17 janvier 2022
Photo © Bernard Martinez
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