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Berlioz et Beethoven sous la direction de Jérémie Rhorer au Théâtre des Champs-Elysées –Impétueux – Compte-rendu
Le programme de ce concert était déjà attrayant, qui associe deux œuvres rares du début XIXe siècle dans une restitution voulue d’époque. On sait que la Messe solennelle est une œuvre de toute jeunesse du prochain compositeur de la Symphonie fantastique, en 1824 quand il n’avait que vingt ans. Il s’agit de son ouvrage le plus important de cette période, et dont la création à Paris un an plus tard (à l’église Saint-Roch), saluée de multiples éloges, allait consacrer le jeune musicien. Berlioz devait par la suite renier sa Messe, déclarant même l’avoir brûlée (comme d’autres œuvres de jeunesse). Mais il ne se fera pas faute d’en réutiliser certaines inspirations pour des ouvrages postérieurs (la Fantastique, Benvenuto Cellini, le Requiem et jusqu’au tardif Te Deum). Pour autant, il avait conservé un exemplaire du manuscrit de la partition, qu’il avait offert en 1835 à un musicien belge de ses amis, et c’est ainsi qu’il fut opportunément découvert en 1991 dans la tribune d’orgue de l’église Saint-Charles-Borromée d’Anvers. Et par la suite, dès 1992, révélé au public par différents concerts et enregistrements. Qui depuis lors, se sont fait bien plus parcimonieux.
Le Christ au Mont des Oliviers constitue une autre aventure. Unique oratorio de Beethoven, il fut composé en 1801, au moment de le Deuxième Symphonie par un musicien de trente ans déjà maître de ses moyens, et créé deux ans plus tard. Mais Beethoven insatisfait de ce premier jet, devait le remanier en 1811, époque de la Septième Symphonie, pour en laisser une version définitive (bien que, en 1824 – année de la Messe de Berlioz – il souhaite encore en faire un remaniement, lui non abouti). On peut ainsi parler dans ce cas d’une œuvre de la maturité.
Jérémie Rhorer et le Cercle de l'Harmonie © Jérôme Jouve
Il s’agit donc de deux pages musicales assez dissemblables, même si elles sont proches dans le temps ; l’une fougueuse avec les éclairs de génie d’un compositeur appelé à faire éclater les conventions, l’autre davantage dans le moule habituel d’un oratorio, distribuant récitatifs, arias et chœurs, mais menés d’une inspiration ardente. Jérémie Rhorer en donne une lecture adaptée dans les deux cas, que l’on serait tenté de qualifier d’une impétuosité juvénile. Sa direction claire et nerveuse, d’une ferveur soutenue, emporte vigoureusement les forces rassemblées de son Cercle de l’Harmonie sur instruments d’époque, tout à fait en situation ophicléide inclus, du chœur Vokalakademie de Berlin et des trois solistes vocaux. La sonorité orchestrale se fait grêle dans les premiers instants de la Messe, pour ensuite s’épancher largement. Le chœur quant à lui pâtit de pupitres féminins un peu criards, mais reste fermement soulevé. La soprano Marita Sølberg déploie une belle délicatesse dans sa touchante mélodie de l’Incarnatus (qui annoncerait la future Enfance du Christ). Alors que l’on aurait aimé des notes moins arrachées chez le baryton Sébastien Bou et le ténor Daniel Behle (qui rend mal justice à son sublime passage de l’Agnus Dei, dont on comprend que Berlioz l’ait repris dans son Te Deum). Mais tous enlevés par une réelle conviction.
Il en serait de même pour le Beethoven qui suit après l’entracte. Mais, cette fois, l’écriture musicale semble davantage soutenir les interprètes que les audaces précédentes, aspect sensible notamment du côté du chœur ou chez le ténor distillant alors de jolis aigus filés en voix de tête lors de ses arias. Peut-être aussi, les uns et l’autre, mieux à leur affaire dans la langue allemande du livret (au rebours du précédent texte liturgique en latin). Et l’orchestre, pareillement, de ne jamais faillir. Un concert dont l’attrait sur le papier, n’a fait que se confirmer à l’écoute.
Pierre-René Serna
Berlioz : Messe solennelle ; Beethoven : Le Christ au Mont des Oliviers – Théâtre des Champs-Élysées, Paris, 16 janvier
Photo © Elodie Crebassa
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