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Boris Godounov selon Ivo van Hove à l’Opéra Bastille - Plus dure sera la chute – Compte-rendu
Boris Godounov selon Ivo van Hove à l’Opéra Bastille - Plus dure sera la chute – Compte-rendu
En ouvrant la saison avec Don Carlos et en la concluant avec Boris Godounov, deux partitions majeures du XIXème, Stéphane Lissner a voulu montrer combien la question du pouvoir pouvait être associée à la tragédie. De la cour d'Espagne au Kremlin, de Philippe II au tsar Boris, la charge suprême qu'elle soit héréditaire ou non, n'apporte finalement que drame, conflit (intérieur ou extérieur), solitude, désespoir et mort. Monarque ambitieux, implacable, ivre de puissance, Boris Godounov à la différence de Philippe II et de l'Infant, est cependant meurtrier, puisqu'il partage comme Macbeth, un geste qui lui sera fatal, le fantôme de l'héritier du trône, Dimitri, venant hanter ses jours et abréger son existence. A l'image de Warlikowski auteur d'un Don Carlos radicalement épuré – au grand dam du public ! –, Ivo van Hove, qui signe sa première mise en scène pour l'Opéra de Paris, privilégie les espaces vides où les personnages isolés, semblent flotter sans repère. Pour cet adepte de la modernité, Boris, malgré sa volonté d'être élu par le monde politique et religieux mais surtout par le peuple, est montré comme un tsar solitaire, un monumental escalier séparant le maître du Kremlin du reste de ses sujets. Au lointain et sur les côtés, trois murs d'images vidéo au grain et au réalisme saisissants signés Tal Yarden, alternent visages énigmatiques, paysages ou ruines ainsi que l'enfant assassiné, pour accompagner les hallucinations de Boris et rythmer l'action.
© Agathe Poupeney — OnP
Clinique, froide et ascétique, en opposition totale avec les fastes du Kremlin du XVIème siècle, la scénographie en adéquation avec une direction d'acteurs dépouillée, confère à cette vision une désolation qui correspond bien au règne mortifère de ce tyran écrasé par la culpabilité et qui ne trouvera jamais la paix. Le choix de la version originale de 1869, plus condensée et plus âpre que celles qui suivront, n'est pas anodin et permet également au metteur en scène belge de dénoncer la permanence du malheur jusque dans nos sociétés actuelles avec cette foule pleine d'espoir mais sévèrement réprimée (1er tableau), ou ces réfugiés affamés devant la cathédrale Saint-Basile (6ème tableau).
Pour son retour dans la fosse de la Bastille, Vladimir Jurowski (qui cèdera la baguette à son collègue britannique Damian Lorio à partir du 19 juin) fait preuve d'une sereine autorité pour mettre en exergue les affres de cette fresque historique sur la solitude du pouvoir. Pesée, analysée, nuancée jusque dans ses envolées, sa direction de l'orchestre et des masses chorales est d'une grande rigueur accordée au spectacle mais sans doute pour cette raison, un rien distante.
En alternance avec Ildar Abdrazakov, Alexander Tsymbalyuk, entendu précédemment en Grémine, Angelotti et Commendatore sur ce plateau, se révèle un Boris de tout premier ordre. Bel homme à la carrure robuste, son personnage d'usurpateur, incapable de régner sans souffrir, est d'une superbe crédibilité ; voix parfaitement projetée, émission aisée, phrasé coulé dans le bronze, il excelle dans les moments d'intimité, traduit ceux où sa raison s'égare avec une grande justesse et réserve le meilleur pour la fin, la mort de cet homme sans défense, rongé par le remord, qui dévale les marches de son palais procurant la chair de poule. Au Pimène tout d'une pièce d'Ain Anger, l'on peut préférer le Chouïski fourbe et cauteleux de Maxim Paster, l'impeccable Grigori de Dmitry Golovnin et le formidable Innocent de Vasily Efimov, au Varlaam essoufflé de Evgeny Nikitin. Chez les femmes, Ruzan Mantashyan est une touchante Xenia, Alexandra Durseneva une nourrice satisfaisante, Elena Manistina une habile Aubergiste tandis que Evdokia Malevskaya est un Fiodor seulement pépiant.
François Lesueur
Clinique, froide et ascétique, en opposition totale avec les fastes du Kremlin du XVIème siècle, la scénographie en adéquation avec une direction d'acteurs dépouillée, confère à cette vision une désolation qui correspond bien au règne mortifère de ce tyran écrasé par la culpabilité et qui ne trouvera jamais la paix. Le choix de la version originale de 1869, plus condensée et plus âpre que celles qui suivront, n'est pas anodin et permet également au metteur en scène belge de dénoncer la permanence du malheur jusque dans nos sociétés actuelles avec cette foule pleine d'espoir mais sévèrement réprimée (1er tableau), ou ces réfugiés affamés devant la cathédrale Saint-Basile (6ème tableau).
Pour son retour dans la fosse de la Bastille, Vladimir Jurowski (qui cèdera la baguette à son collègue britannique Damian Lorio à partir du 19 juin) fait preuve d'une sereine autorité pour mettre en exergue les affres de cette fresque historique sur la solitude du pouvoir. Pesée, analysée, nuancée jusque dans ses envolées, sa direction de l'orchestre et des masses chorales est d'une grande rigueur accordée au spectacle mais sans doute pour cette raison, un rien distante.
En alternance avec Ildar Abdrazakov, Alexander Tsymbalyuk, entendu précédemment en Grémine, Angelotti et Commendatore sur ce plateau, se révèle un Boris de tout premier ordre. Bel homme à la carrure robuste, son personnage d'usurpateur, incapable de régner sans souffrir, est d'une superbe crédibilité ; voix parfaitement projetée, émission aisée, phrasé coulé dans le bronze, il excelle dans les moments d'intimité, traduit ceux où sa raison s'égare avec une grande justesse et réserve le meilleur pour la fin, la mort de cet homme sans défense, rongé par le remord, qui dévale les marches de son palais procurant la chair de poule. Au Pimène tout d'une pièce d'Ain Anger, l'on peut préférer le Chouïski fourbe et cauteleux de Maxim Paster, l'impeccable Grigori de Dmitry Golovnin et le formidable Innocent de Vasily Efimov, au Varlaam essoufflé de Evgeny Nikitin. Chez les femmes, Ruzan Mantashyan est une touchante Xenia, Alexandra Durseneva une nourrice satisfaisante, Elena Manistina une habile Aubergiste tandis que Evdokia Malevskaya est un Fiodor seulement pépiant.
François Lesueur
Moussorgski : Boris Godounov (version originale) Pais, Opéra Bastille, 13 juin ; prochaines représentations : 19, 22, 26, 29 juin, 2, 6, 9 & 12 juillet 2018 // www.concertclassic.com/concert/boris-godounov-0
Photo © Agathe Poupeney - OnP
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