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Brillante version pour piano de Pelléas et Mélisande de Debussy au Musée d’Orsay
C’est dans la production de Pierre Jourdan au Théâtre Impérial de Compiègne que nous avons découvert il y a quelques années la version originale pour piano seul de Pelléas et Mélisande. Alternative passionnante à la variante orchestrale de 1902, la version de 1893-1895 semble pourtant, aussi étrange soit-il, peu intéresser les programmateurs de scènes lyriques. C’est dire à quel point cette nouvelle production parisienne, donnée dans le cadre minimaliste et high-tech de l’auditorium du Musée d’Orsay, est la bienvenue.
Première constatation : la version pour piano, dense et épurée, ne s’embarrasse pas des contraintes qui présidèrent à la concrétisation de la version orchestrale – on se souvient que Debussy avait dû, à la demande d’André Messager, greffer des interludes orchestraux afin de satisfaire les impératifs scénographiques. Jamais la prosodie du compositeur français ne nous a semblé si limpide et désenclavée bénéficiant d’un merveilleux écrin instrumental dans lequel s’enchevêtrent les différentes lignes vocales.
Assuré par Alexandre Tharaud, l’accompagnement au piano, aussi lumineux que kaléidoscopique, touche en effet au sublime faisant ressortir les moindres recoins de cette partition rendue encore plus troublante. Si la réussite de cette soirée repose indéniablement sur la présence et l’engagement du pianiste, nous ne reprocherons pas pour autant au directeur artistique d’avoir misé sur une équipe de chanteurs, vocalement inégale mais scéniquement crédible. Ingrid Perruche campe une Mélisande tout en finesse et en demi-teintes tandis que le « vétéran » François Le Roux incarne un Golaud viril et psychopathe passablement maniéré mais toujours aussi convaincant. C’est le Pelléas de Jean Fischer qui constitue la très mauvaise surprise de la soirée, tant sur le plan vocal que scénique (son côté dandy hautain est pour le moins déplacé).
Quant à la mise en scène de Vincent Vittoz, elle est d’une rare intelligence. Abusant par moments d’une lecture suggestive, le metteur en scène et son équipe (mention spéciale à l’éclairagiste Thierry Fratissier, ancien assistant de Jean Kalman) ont su néanmoins souligner la dimension essentielle de cette version tout en créant les conditions nécessaires à un juste positionnement du spectateur tour à tour tenu à distance et convoqué au cœur de ce drame d’une insondable profondeur.
Erik Verhagen
Auditorium du Musée d’Orsay, le mardi 1er juin 2004. Jusqu’au 6 juin.
Photo : DR
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