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Carlo Guaitoli en récital au Festival du Vigan – Piano conquérant – Compte-rendu

Outre le plaisir d’arpenter les Cévennes et de passer de gorges en causses, de minuscules églises nichées au bout de routes qu’il faut mériter, à d’imposantes bâtisses médiévales ou plus tardives, le Festival du Vigan offre depuis 1976 un éventail musical dont la richesse, déployée sur de nombreux registres, est impressionnante. L’Orchestre des Cévennes y est à l’honneur, ainsi que fidèlement l’Ensemble Orchestral Contrepoint et les Chœurs de l’Abbaye de Sylvanès, toujours sous la baguette de Michel Piquemal. Mais surtout, on y fait des découvertes rares, que les chemins de la renommée n’ont pas forcément poussées jusqu’aux grandes salles parisiennes. Et là, le piano est roi.
Combien n’a-t-il pas reçu de frappes diverses, vécu de sollicitations contrastées, ce Steinway sur lequel Miroslav Kultyshev se fit entendre pour la première fois en France ? Christian Debrus, créateur du festival, mais aussi pianiste et professeur réputé, a l’oreille et le flair pour repérer les pépites qui rendent honneur à son instrument : ainsi cette année, Carlo Guaitoli, un Italien à la forte personnalité, qui se fit remarquer dans quelques concours non négligeables, notamment le Busoni de Bolzano et le Rubinstein de Tel Aviv. Un personnage reconnu en Italie, où il dirige notamment le Théâtre de Carpi, près de Modène, qu’il ouvre aussi bien à la danse qu’à la musique. Avec des goûts éclectiques qui le conduisent volontiers vers la musique contemporaine.

Pour son récital du Vigan, le plus pur du répertoire pianistique avait été choisi : d’un Ah ! vous dirais-je maman, de Mozart, où le pianiste prenait la mesure de l’instrument, à un Andante Spianato et Grande Polonaise brillante de Chopin en rutilante conclusion. Entre eux, les quatre Impromptus de l’Opus 90 de Schubert, joués avec une force d’attaque, une approche volontaire, un axe ferme, qui contrastaient avec la vision plus poétiquement fantaisiste qu’en donnent souvent les autres amoureux de Schubert : lecture très beethovénienne, presque provocante de vigueur.
Des deux Préludes du Livre II de Debussy, Général Lavine, eccentric et Feux d’artifice, on dira qu’ils jetèrent des étincelles sans pour autant vraiment imposer de climat poétique, tandis que les Nocturnes op.48 n°1 et n°2 de Chopin tinrent en haleine, avec une impressionnante maîtrise des plans sonores, la main droite griffant l’instrument et la gauche le caressant.
Puis Guaitoli, libéré de sa mission, se lança en bis dans des pièces où son tempérament pouvait s'exprimer sans avoir à rendre de compte, notamment dans Piazzola, puis dans une éblouissante improvisation sur Porgy and Bess de Gershwin. Pure séduction, toute en nerfs.
 
La fête pianistique du Vigan n’est pas pour autant finie puisqu’on y entendra aussi Geoffroy Couteau, dans un récital essentiellement consacré à Brahms, l’excellent Maurizio Baglini et une nouvelle recrue, Alexandre Gadjiev, vainqueur du Concours de Hamamatsu en 2015 et des Monte-Carlo Piano Masters 2018. Et il ne faudra pas manquer Olivier Cesarini, tout jeune baryton que l’on découvrira avec l’Orchestre de chambre des Cévennes dans un programme essentiellement baroque, tandis que le cher Richard Galliano fera rayonner la joie de son incomparable accordéon le 18 août. Quelle plus belle louange à la création, dans ce Temple du Vigan que l’on peut trouver austère !    
 
Jacqueline Thuilleux

Temple du Vigan, le 26 juillet 2019 ; jusqu’au 22 août 2019 // www.festivalduvigan.fr
 
 Photo © DR
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