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Carmen à Toulouse - Traditionnelle et toujours fulgurante - compte-rendu
Nous sommes bien en Espagne, à la fin du dix-neuvième siècle ; les costumes en témoignent. Dès l’Ouverture, nous savons qu’à la fin Don José tuera Carmen puisque le récit dramatique se présente comme un « flash back ». A une exception près, l’opéra est chanté dans un français impeccable. Ces quelques précisions préliminaires sont nécessaires de nos jours. Est-ce à dire que cette nouvelle production, dont Jean-Louis Grinda a assuré la mise en scène, n’apporte rien d’original pour une œuvre tant et tant de fois jouée partout dans le monde ? Certainement pas. L’ensemble tient parfaitement la route et, tout en s’inscrivant dans une tradition prudente, conserve encore sa fulgurance. Le dispositif scénique, que l’on retrouve à chaque acte, est simple. Inspirées de toute évidence par les immenses sculptures de Richard Serra, au Musée Guggenheim de Bilbao, deux grandes structures mobiles incurvées sont présentes sur un plateau presque entièrement nu. Selon qu’elles se rapprochent ou qu’elles s’éloignent l’une de l’autre, elles représentent aussi bien les montagnes que la prison, le cabaret ou les arènes. Surtout au dernier tableau, quelques projections (le déroulement d’une corrida, en l’occurrence) viennent sur le mur du fond donner un écho à ce qui se passe sur le devant de la scène. Une petite danseuse espagnole réapparaît à plusieurs moments comme un double de Carmen. C’est un peu le fil rouge du drame. Rien de révolutionnaire, en particulier dans la gestion des figurants et des choristes, mais assurément un beau travail d’ensemble, qui ne trahit ni Mérimée, ni Meilhac, ni Halévy (les dialogues parlés d’origine sont en grande partie conservés) ni surtout Bizet .
Clémentine Margaine (Carmen), Anas Seguin (Moralès) - crédit Patrice Nin
Comme (presque) toujours au Théâtre du Capitole, les seconds rôles, les chœurs et l’orchestre sont d’excellente qualité. C’est tout juste si l’on peut reprocher à Andrea Molino une certaine sécheresse dans sa direction musicale et, pour cette soirée de première en tout cas, quelques légers décalages, au second acte principalement. Voix ample, généreuse, aux aigus flamboyants et aux graves somptueux, Clémentine Margaine incarne la cigarière avec une sensualité ravageuse. N’en fait-elle pas parfois un peu trop, en nous ramenant quelque cinquante ans en arrière, avant que Teresa Berganza réconcilie le tempérament gitan et la distinction ? Le chant d’Anaïs Constant ( Micaëla) est tout aussi énergique, franc, direct, phrasé avec goût mais il souffre d’un curieux effet de saturation dans les notes les plus aiguës. Elément nettement étranger au sein de cette distribution, Dimitri Ivashchenko compose un Escamillo lourdaud, incapable de donner quelque élégance, voire quelque unité, à sa ligne musicale. Tout le contraire, en fait, de Charles Castronovo qui se révèle ici comme un Don José particulièrement attachant. En l’espace de quelques années, celui que l’on avait découvert sous les habits de Nemorino (L’Elixir d’amour) ou de Vincent (Mireille) est passé progressivement à des emplois plus lourds. Son timbre a gagné des couleurs plus sombres, son aigu est devenu plus vaillant mais son jeu n’a rien perdu ni de sa chaleur ni de son intelligence. A chacune de ses interventions au cours de cette représentation, il prouve qu’il est bien aujourd’hui l’un des ténors qui comptent dans le monde. En tout cas pour ce type d’ouvrage, où les passions les plus intenses, les plus suicidaires, se doivent d’être exprimées avec autant de panache que de tenue.
Clémentine Margaine (Carmen), Charles Castronovo (Don José) - crédit Patrice Nin
Pierre Cadars
Théâtre du Capitole, 6 avril 2018
Autres représentations les 10, 13, 17 et 19 avril à 20 h ; les 8 et 15 avril à 15 h.
Coproduction avec l’Opéra de Monte-Carlo et l’Opéra de Marseille
Photo : Clémentine Margaine (Carmen), Charles Castronovo (Don José) - crédit Patrice Nin
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