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Cédric Tiberghien, François-Xavier Roth et l’Orchestre National de France – Retour à la vie
25 juin : la date restera gravée dans les annales de Radio France comme celle du premier concert public de la Maison Ronde depuis la survenance de la crise sanitaire. Un retour à la vie qui fait figure d’événement mondial aussi car jamais depuis que le déconfinement s’opère autant de personnes (600 au total) n’auront été rassemblées dans une salle pour un concert de musique classique. Gel hydroalcoolique à l’entrée du bâtiment, prise de température en sus du contrôle de sécurité rituel, masque obligatoire, distanciation : les règles sont strictes, mais chacun s’y prête de bonne grâce tant l’impatience est vive de caresser la chair vivante de la musique.
En une partie, pour cordes seules – on ne peut s’empêcher d’avoir une pensée compatissante pour les souffleurs, d’où qu’ils soient, victimes de copieuses âneries ... –, la soirée a été confiée à François-Xavier Roth (photo).(1) Longs et très chaleureux applaudissements pour les musiciens, et nous voilà happé par la Symphonie en sol majeur Wq 182/1 de CPE Bach ! L’envie collective des archets du National (avec Sarah Nemtanu au violon solo) fait plaisir à entendre, comme à voir ; on ne peut qu’être séduit par la pulsation, l’élan, le délié, l’humeur très Sturm und Drang de l’approche, sa poésie aussi (très beau Poco adagio médian !).
Cédric Tiberghien © Jean-Baptiste Millot
Les orchestres français négligent trop – entre autres ... – la musique de Bohuslav Martinů, créateur pourtant très étroitement associé à notre pays où il forgea son art auprès de Roussel durant l’entre-deux-guerres. Tout ne se situe certes pas au même niveau dans sa production, mais des chefs-d’œuvre tels que les Fresques de Piero della Francesca ou le Double Concerto pour deux orchestres à cordes, piano et timbales mériteraient d’être plus souvent donnés.
La faveur dont jouissent les partitions pour cordes en ce moment a heureusement conduit à la programmation de ce dernier. Né sous les sombres nuages de l’année 38, créé en février 1940 à Bâle par Paul Sacher (son commanditaire et dédicataire), le Double Concerto est une partition coup de poing dont Roth et Tiberghien (sans oublier le timbalier François Desforges, remarquable) saisissent toute la portée dramatique au cours d’une interprétation dense, âpre, tendue, très fusionnelle dans les mouvements vifs, tandis que l’épisode central, avec les échappées poétiques qu’il offre au clavier, montrent tout l’art de coloriste du pianiste.
Il ne séduit pas moins dans les Trois Chants populaires hongrois du district de Csík de Bartók proposés en bis. Vision parfumée, rêveuse, narrative, vivante (Tiberghien se range parmi les plus grands bartokiens d’aujourd’hui et ses enregistrements, chez Hyperion, peuvent rivaliser avec des versions légendaires) et ménage une respiration opportune avant la conclusion : le Divertimento pour cordes de Bartók.
Par son engagement et son urgence la conception de F.X. Roth, pleine d’inquiétude, fait écho au choc procuré par le Martinů. Amorcé dans un sombre murmure, le Molto adagio, intensément vécu, saisit et tient l’auditoire en haleine.
Nourris, les applaudissements résonnent à la mesure de l’engagement des interprètes d’un bout à l’autre de la soirée.
Alain Cochard
(1) Le concert s’inscrit dans la série « Le Temps retrouvé » : www.maisondelaradio.fr/le-temps-retrouve
Paris, Auditorium de la Maison de Radio France, 25 juin 2020.
Disponible à la réécoute sur France Musique et Arte.fr
www.francemusique.fr/concert/maison-de-la-radio-auditorium-cpe-bach-martinu-bartok-tiberghien-onf-roth
www.arte.tv/fr/videos/098519-004-A/l-orchestre-national-de-france-interprete-bach-martinu-et-bartok/
Photo © Marc Allen
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