Entre deux représentations de Cavalleria rusticana et de Pagliacci, l’intermède symphonique proposé par l’Orchestre National de France dans la cadre des Chorégies d’Orange présente une connotation typiquement russe. Dès l’ouverture de La Foire de Sorotchintzi de Moussorgski (extraite d’un opéra inachevé), le ton est donné par le jeune chef norvégien Eivind Gullberg Jensen, familier d’un orchestre qui a contribué à le faire connaître dans l’Hexagone.

Baguette souple, enlevée et gracile, qui s’épaissit quelque peu dans le 2e Concerto de Rachmaninov, alors que le pianiste macédonien Simon Trpceski (remplaçant Hélène Grimaud souffrante) dose ses effets, recherche une constante musicalité avec une autorité et une imagination que le mistral n’arrive pas à perturber. Le soliste suit avec détermination le chemin qu’il s’est tracé, loin de toute affectation avec une subtilité et une finesse de trait méritoire, face à la direction lyrique mais parfois enlevée du chef.

La Marche slave op 31 de Tchaïkovski appelle en revanche, par son nationalisme affirmé, toutes les forces orchestrales qui sont animées par un élan et une interprétation d’une grande efficacité. Avec Les Tableaux d’une exposition de Moussorgski dans l’orchestration de Ravel, le caractère narratif de la promenade parmi les tableaux de Victor Hartmann est superbement rendu par une exécution contrastée, vivante, d’un dynamisme contrôlé. Pour conclure, La Grande Porte de Kiev soulève l’enthousiasme du public et par l’ampleur de la gradation sonore envahit l’espace de l’amphithéâtre romain. Tout au long de ces Tableaux, les musiciens se distinguent à tour de rôle : petite harmonie épanouie, cuivres rutilants, percussion saisissante, cordes équilibrées, dans un contexte qui pourtant, de prime abord, ne se prêtait guère à l’homogénéité des pupitres.

Michel Le Naour

Chorégies d’Orange, 3 août 2009

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