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Compte-rendu : Danse de la mort - La Traviata à Montpellier
C’est un écrin noir que Jean-Paul Scarpitta a construit autour d’une héroïne de diamant. Pour cette Traviata, à laquelle il tient tant car elle rentre bien dans sa ligne d’horizon, axée tout au long de sa carrière sur des destins de femmes, il a en effet eu la chance d’avoir une interprète exceptionnelle, Monica Tarone (photo), qu’on ne connaît guère sur nos scènes. Se mesurer à ce rôle terrible, où dit-on, il faut trois voix, ce que les grandes interprètes contestent cependant, est une signature qui laisse augurer beaucoup de belles choses pour l’avenir. Son incarnation de Violetta, qu’elle a chanté avec succès en Allemagne, en est une : fine, fragile, élégante, épousant la gestique pointilliste du metteur en scène avec délicatesse, elle clame son Brindisi du 1er acte et ses accents de mort du dernier avec une santé, une clarté qui font le charme troublant du personnage. Seuls manquent quelques raffinements dans les pianissimi, mais la chanteuse est jeune, elle va sans doute apprendre à doser et atténuer ses effets.
Sur le plan scénique, cette mourante est incontestablement le seul personnage vivant de l’ensemble de l’opéra, que Scarpitta règle comme une danse de mort, avec des chœurs à l’antique, même si les dames sont couronnées de bibis menaçants, et des protagonistes figés sous leurs masques de peinture argentée. Le tout sur fond de cadre de scène presque à nu, que seuls décorent de grands lustres, cruels flambeaux d’un monde à l’agonie. Noir, tout est noir, de la robe de Violetta, fourreau et chignon Grâce Kelly, très jolie madame, à celles des choristes. Seule blancheur, ce double dansant qui évoque, comme dans un Füssli, l’âme de l’héroïne tordue dans ses pulsions de liberté. Les idées ne manquent pas dans ce spectacle un peu contesté, car le parti pris de tout gommer autour de Violetta confère un caractère figé à l’action si mobile de Verdi. D’autant que les autres interprètes, à l’exception de Germont père, le puissant et expressif Stefano Antonucci, souffrent de cette contrainte, à commencer par le ténor Marius Brenciu, aux aigus plus fatigués que ceux de l’héroïne phtisique.
L’autre grand atout du spectacle est aussi la direction nerveuse et claire d’Alain Altinoglu, faisant ressortir les voix de la partition avec une vie et une sensibilité qu’on se sait plus que rarement trouver dans Verdi. L’orchestre lui répond avec une malléabilité qui rend l’oeuvre intensément vivante. Parfois irrité par quelques partis pris de la mise en scène, parfois séduit par son caractère elliptique et fort, on sort de là très ému. What else ?
Jacqueline Thuilleux
Verdi : La Traviata - Opéra-Comédie, le 6 juin 2010
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Photo : Marc Ginot, 2010
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