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Compte-rendu - Festival de la Roque d’Anthéron - Figures de styles

Le Festival International de piano de La Roque d’Anthéron fête du 24 juillet au 22 août sa 29ème édition et se révèle, comme à l’accoutumée, un rendez-vous incontournable par la confrontation des interprètes, des répertoires et des styles.

Evénement que le récital de Grigory Sokolov au Grand Théâtre de Provence d’Aix. Sa lecture personnelle d’œuvres en apparence connues, voire rebattues (Sonates n°2 et n°13 « Quasi una fantasia » de Beethoven, Sonate D. 850 de Schubert), prend une dimension parfois discutable par la sophistication, le choix du tempo, mais l’artiste fait preuve d’un sens de la narration, d’une pénétration des textes et d’une grandeur du geste qui stupéfient. Face à la tradition (Schnabel, Fischer, Kempff, Backhaus, Arrau, Serkin, Gilels…), son Beethoven dérange par la volonté de débusquer derrière les notes chaque inflexion rythmique, chaque gradation de couleur. Sokolov ne perd jamais de vue l’unité rhétorique de la Sonate « Gasteiner » de Schubert qui prend une allure presque beethovénienne avec les changements de registres, le dosage des effets et le sens de la construction qui s’y manifestent. Par la souplesse du phrasé, le contrôle de la ligne, le Rondo final semble abolir toute notion académique de fond et de forme. Les bis où cohabitent Rameau (Les Sauvages), quelques Préludes de Chopin (un 24e tellurique) et Scriabine, confirment les partis pris d’un soliste qui tient cependant la salle en haleine.

Le lendemain, changement de lieu (le Théâtre des Terrasses de Gordes à l’acoustique de plein air idéale) et de répertoire avec la première partie de l’intégrale des Trios avec piano de Beethoven qu’intreprètent Régis Pasquier, Roland Pidoux et Jean-Claude Pennetier. La connivence entretenue depuis de très longues années par les trois artistes trouve sa concrétisation dans leur manière si naturelle d’aborder les oeuvres. Le piano de Pennetier est une merveille d’articulation dans le Trio n°1, le violoncelle de Pidoux se révèle d’une pureté digne de Maurice Gendron dans le Largo assai ed espressivo du Trio n°5 « Des Esprits », et le violon fruité de Régis Pasquier manifeste un constant engagement. Un grand moment de musique de chambre où l’équilibre le dispute à l’expression quintessenciée.

Dans le Parc du Château de Florans, le jeune pianiste Jean-Frédéric Neuburger rencontre le Quatuor Modigliani aux commandes des quatre superbes « Evangélistes » de Vuillaume. Le Quintette op 44 de Schumann, d’une belle plénitude de son, manque parfois d’homogénéité. En revanche, le rare Quintette op 42 de Vierne – un ouvrage de 1917-1918, franckiste de ton -, par l’élan du discours, la profondeur du sentiment (Larghetto sostenuto), la dimension héroïque apportée au final (Allegro molto risoluto), s’avère exemplaire. Les Modigliani ouvraient le concert avec le Quatuor en fa mineur op 80 de Mendelssohn, enlevé avec flamme et générosité romantiques, tandis que Jean-Frédéric Neuburger après l’entracte, dans le Menuet antique et La Valse de Ravel, se révélait un soliste plus intellectuel que sensuel à la perfection technique convaincante.

Le lendemain, toujours dans le Parc du Château, Boris Berezovsky ne craint pas de confronter en première partie de programme la redoutable et faustienne Sonate n°1 op 28 de Rachmaninov à cinq Préludes de l’Op. 23 du même auteur, puis le triptyque Venezia e Napoli et la Méphisto-Valse n°1 de Liszt. Force tranquille, Berezovsky se joue des difficultés, alterne fougue et délicatesse, violence et cantabile belcantiste. Emportée par une saisissante électricité digitale, sa Méphisto-Valse retrouve le geste éclatant d’un Cziffra et enflamme un public conquis par une prise de risques aussi pleinement assumée.

Michel Le Naour

29e Festival International de piano de La Roque d’Anthéron – du 14 au 17 août 2009

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Photo : DR
 

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