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Compte-rendu - Fidelio au Liceu - Mattila l’unica !
Après vingt-cinq ans d’absence, Fidelio vient de faire son grand retour sur la scène du Liceu avec dans le rôle-titre Karita Mattila. A cette occasion, la direction du théâtre a fait appel à la production de Jürgen Flimm présentée avec succès à New York et commercialisée en 2003 par Deutsche Grammophon. Repris par Gina Lapinsky, le spectacle de facture classique, propose une transposition sans risque dans un univers concentrationnaire contemporain, sans recherche esthétique particulière, à la différence du très beau travail réalisé par Stéphane Braunschweig en 1995, ni radicalité excessive à la manière, simpliste, d’un Johan Simons au Palais Garnier en novembre dernier.
Une prison surpeuplée, une cellule souterraine qui s’ouvrira sur une vaste place au finale, constituent le cadre de cette fable humaniste, où le bien triomphe du mal dans une joyeuse et universelle utopie. Comme sur la scène du Met, la soprano Karita Mattila défend avec une rare conviction le rôle de Fidelio. Scéniquement tout d’abord, son travestissement est parfaitement maîtrisé, celle-ci portant avec un naturel déconcertant pantalon, blouson, rangers, casquette et sac à dos - une panoplie qui en paralyserait plus d’unes. Rien dans son allure n’est laissé au hasard sans pour autant que cela ne paraisse appliqué ou surjoué. Elle saute des tables, grimpe à l’échelle, manie le fusil comme un homme avant de révéler qu’elle est l’épouse de Florestan et en aucun cas le fidèle apprenti de Rocco. Interprète intense et totalement habité, son soprano engagé est au diapason : en plus de posséder la voix du rôle, cette pâte unique, cette couleur cuivrée sur tout le registre, elle met au service du personnage sa science du cantabile et sa faculté d’irradier instantanément les phrases qui le nécessitent : son « Abscheulicher » est à ce titre un grand moment de musique et de tragédie (quel dommage que la direction ne soit pas à la hauteur de cette performance !) vécu avec l’énergie du désespoir et l’intensité attendues.
Avec une voix étranglée, un aigu douloureux et un vibrato constant, Clifton Forbis ne peut faire oublier le Florestan de Ben Heppner, partenaire privilégié de Mattila au Met et au Châtelet en juin 2006, dont le timbre rayonnant et l’émission haute conviennent davantage au prisonnier de Pizzaro. Paternel, mais surtout profondément humain, le Rocco ciselé et à la diction percutante de Stephen Milling est une révélation, tout comme le Don Pizzaro menaçant, mais sans débordement intempestif, campé par le baryton-basse Terje Stensvold. Bien trop légère vocalement et trop timide dans son jeu, la Marzellina d’Elena de la Merced déçoit, le frêle Matthias Klink ne parvenant pas s’imposer en Jacquino.
Nous attendions sans doute trop du chef Sebastian Weigle, qui propose ici une direction sans souffle, au rythme haché, dont les ruptures incessantes et le manque de soutien réduisent le moindre flux dramatique de cette partition à la puissance luxuriante. Un orchestre vous manque et tout est dépeuplé.
François Lesueur
Beethoven : Fidelio – Barcelone, Gran Teatre del Liceu, 24 mai 2009
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Photo : Bofill
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