Après l’aventure new-yorkaise de Kurt Masur, son arrivée à la tête de l’Orchestre National de France n’avait pas été exempte d’une raideur toute germanique. Mais les musiciens français ont vite compris ce que voulait d’eux l’ancien patron du Gewandhaus de Leipzig, qui arrivait dès 9 heures du matin à son bureau de Radio France, non pour y faire de la présence, mais pour être présent aux autres. Les fruits de ce qu’a alors semé le vieux Kapellmeister, il les a récoltés l’autre soir au Théâtre des Champs-Elysées où il dirigeait un programme voué au thème de Roméo et Juliette.

En retour de l’affection que lui ont prodiguée ses musiciens tout au long du concert, il a répondu par une effusion de baisers témoignant de la profondeur des sentiments qui peuvent unir des fauves et leur dompteur. Il y a, bien sûr, à la base de tout un amour commun de la belle ouvrage. Les pages les plus célèbres de Tchaïkovski et de Prokofiev encadraient les non moins populaires Danses symphoniques tirées de son West Side Story par le New-yorkais Leonard Bernstein, fils d’immigrés russes. Ainsi le fil rouge noué par le maestro était-il double.

L’ « Ouverture fantaisie » d’après Shakespeare échappe encore aux facilités de la musique de ballet pour témoigner du choc provoqué par le dramaturge anglais sur le jeune Tchaïkovski, à commencer par l’introduction pleine de mystère. Détente avec l’irruption de la musique populaire dans la Suite de Bernstein. Cheval de bataille de toutes les grandes formations symphoniques, la fresque de Prokofiev est un festival de timbres et de rythmes qui mettent en joie interprètes et public. Ce dernier comptait un nombre particulièrement élevé d’étudiants et de jeunes qui ont fait un triomphe mérité aux musiciens et à leur chef tutélaire.

Jacques Doucelin

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 25 mars 2010

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Photo : DR