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Compte-rendu : L’amour à Maure - Otello à l’Opéra de Nancy

L’Opéra de Nancy a joué de malchance avec sa dernière production, l’Otello de Verdi, dont le titulaire Philip Webb, qui débutait dans ce rôle écrasant, a tenu malgré une angine carabinée à assurer la première. Le courage insensé dont il a fait preuve et que de nombreux collègues n’auraient pas eu, a forcé le respect et se doit d’être tout particulièrement salué. Paralysé par l’angoisse le chanteur, incapable d’incarner son personnage, s’est cependant contenté de « chanter » sur un fil de voix, écorché dans le medium, éraillé dans le grave, quelques aigus étranglés parvenant à s’échapper au cours des deux premiers actes. Difficile dans ces conditions d’émettre un avis sur les aptitudes d’un musicien qui aurait pu refuser de monter sur scène (mais diable pourquoi l’avoir affublé d’une perruque tout droit sortie de La Planète des singes ?).

Dire que le spectacle a souffert de cette situation est un euphémisme, d’autant que ni la direction bâclée et insipide de Paolo Olmi, ni le propos à peine esquissé de Jean-Claude Berutti n’ont permis d’aiguiser notre intérêt.

Drame de la jalousie, de la manipulation et de l’intime, Otello mérite mieux que cette plate transposition dans l’univers déshumanisé d’un bunker militaire. Si la présence de la mer tour à tour déchaînée ou d’huile, s’accorde au tempérament imprévisible du héros, les personnages qui gravitent autour de lui n’ont guère de présence, privés qu’ils sont de matière théâtrale et d’un regard suffisamment acéré pour rendre à leurs relations la densité nécessaire.

Les grands espaces vides et froids, signés comme les costumes par Rudy Sabounghi, dans lesquels ils évoluent, bénéficient heureusement des beaux éclairages drus de Laurent Castaingt, qui confèrent aux moments clés de la partition l’épaisseur attendue et ponctuent l’action d’images d’une belle intensité (second duo Otello/Desdemona, Air du saule, nimbé de bleus étranges et savamment nuancés).

La distribution, malgré les vicissitudes d’un chef incapable de conduire ses troupes et de donner corps à son discours – ne parlons pas des dérapages entre la fosse et les chœurs lors de la tempête initiale qui traduisent un manque de préparation – s’en tire honnêtement avec la Desdemona gracieusement dessinée de la soprano Hiromi Omura, dont la ligne manque toutefois de consistance pendant le concertato du 3ème acte et la diction de netteté et le Iago solide et cauteleux campé par Giovanni Meoni. Bonne Emilia de Blandine Folio Peres, corrects Montano d’Erick Freulon et Roderigo de Riccardo Ferrari, mais très mauvais Cassio d’Avi Klemberg, dont le timbre nasillard dessert la prestation. Une première difficile.

François Lesueur

Verdi : Otello – Nancy, Opéra National de Lorraine, le 13 juin, puis les 16, 18, 20 et 22 juin 2010

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Photo : Opéra national de Lorraine
 

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