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Compte-rendu : Les Brandebourgeois par L’Ensemble Prometheus 21 - Vous avez dit baroque ?
L’Ensemble Prometheus 21 est né en novembre 2007 du fameux Trio Wanderer créé vingt ans auparavant. Toujours dirigé par deux des membres fondateurs de la cellule-mère (le violoniste Jean-Marc Phillips Varjabedian et le violoncelliste Raphaël Pidoux), cet ensemble à géométrie variable (jusqu’à 21 musiciens programmés dans des répertoires allant du quintette à l’orchestre de chambre) affiche des ambitions justifiées. Avec comme signe distinctif une polyvalence dans le choix des œuvres qui, outre les répertoires classique, romantique et contemporain, lui permet d’aborder aujourd’hui le Baroque, réveillé, bien sûr, sur instruments d’époque.
De ce point de vue, la ferveur du public qui se pressait au Théâtre des Bouffes du Nord était stimulée par le programme, s’agissant de l’intégrale des Concertos Brandebourgeois de Bach, réinterprétés, comme annoncé, sur instruments d’époque.
Contemporains de l’esthétique des « goûts réunis » chère, entre autres, à François Couperin, les Brandebourgeois, composés à Cöthen, au service du Duc Léopold, entre 1719 et 1721, et dédiés au Margrave Christian de Brandebourg, oncle du Roi de Prusse Frédéric-Guillaume 1er et mélomane éclairé, sont génialement caractéristiques de ce style européen qui, en particulier, fit florès dans les cours allemandes du temps : un « cocktail » mêlant la virtuosité italienne à l’élégance française et à l’évidence rythmique germanique.
Supérieurement motivés en l’occurrence, les musiciens de Prometheus réussissent là une reconstitution passionnante à laquelle n’est pas étranger le savoir-faire d’instrumentistes insignes, tel David Guerrier, magicien de la trompette naturelle (on retiendra une lecture d’anthologie du Second Concert BWV 1047, pourtant pierre d’achoppement pour les meilleurs).
Ailleurs, l’essentiel tient dans la densité de la trame contrapuntique dont vit, par exemple, le Concert n°3 BWV 1048, où le souci de symbolique conforte idéalement le projet d’écriture (3 violons, 3 altos, 3 violoncelles, outre le continuo de clavecin). Ou dans l’irrépressible dynamisme qui monte de la Gigue terminale du 6ème Concert BWV 1051, véritable mouvement perpétuel où les timbres graves des cordes sont à la fête (le premier alto de Christophe Gaugué !).
Pour autant, dans ce ciel fortuné, les grincheux (il en traîne à tous les concerts) feront remarquer que cette séduisante vision ne s’affranchit pas toujours de comportements acquis, pour la plupart des Prometheus, au service des répertoires traditionnels (classique, romantique et contemporain). En d’autres termes, leur baroquisme n’est pas naturellement intégré à leur musicalité profonde, mais reste plus ou moins un baroquisme d’emprunt, résultat d’une rencontre voulue comme telle avec le monument des Brandebourgeois, œuvre emblématique s’il en est. Ce qui n’enlève rien au bonheur pris à leur écoute, instruments d’époque à l’appui, et devrait les inciter à récidiver avec d’autres œuvres-clés du concert XVIIIème siècle (par exemple, les Suites pour orchestre du même Bach et celles tirées des opéras de Rameau).
Roger Tellart
Paris, Théâtre des Bouffes du Nord, 13 décembre 2010
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Photo : DR
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