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Compte-rendu : Loufoquerie médiévale - Au temps des Croisades à l’Athénée
Après une croustillante Cour du roi Pétaud de Léo Délibes l’an dernier, la compagnie Les Brigands est de retour sur la scène de l’Athénée avec Au temps des Croisades de Claude Terrasse et Franc-Nohain, opéra bouffe gentiment licencieux qui fut même interdit par la censure peu après sa création parisienne en 1901. Le public en a vu d’autres depuis et, très bref de surcroît, l’ouvrage aurait du mal à occuper une soirée aujourd’hui. Il était donc nécessaire d’allonger et de bien relever la sauce…
Pour ce faire, les Brigands ont fait appel à Philippe Nicolle, le patron de la Compagnie 26000 couverts. Ils ont en commun le goût du rire, de la loufoquerie, de l’impertinence, du nonsense et leur rencontre nous vaut un délicieux plat de fête à déguster sans modération. Admirateur des Monthy Python, P. Nicolle a déclaré aborder le domaine de l’opérette comme « un terrain de jeu », avec l’envie de « retrouver « le jus » d’une matière a priori désuète ». Le résultat ne manque pas de piquant !
Les chanteurs-comédiens des Brigands n’ont pas eu à se forcer pour le suivre dans son entreprise. Les gags, les anachronismes, les surprises pleuvent à verse tout au long de la soirée ; au point qu’en partant d’un ouvrage d’une heure, le metteur en scène remplit deux bonnes heures - en ajoutant en cours de route un faux entracte passablement gratiné. Voilà qui laisse le temps pour pas mal de trouvailles : spot publicitaire, ombres chinoises, irruptions musicales inattendues (R. Strauss, Tchaïkovski…), la liste est longue… La chape de l’ordre moral se soulève un peu dans le livret de Franc Nohain ? P. Nicolle s’engouffre dans cet espace avec un bel appétit et une contagieuse drôlerie. Pas un instant d’ennui, pas un temps mort au cours d’une soirée haute en couleur qui sait jusqu’où l’on peut aller trop loin (à l’exception de ce percussionniste-comédien, à l’éthylisme un peu envahissant à la longue…).
Dame Bertrade, cadenassée dans sa ceinture de chasteté, est campée par une Charlotte Saliou aussi impayable que la servante, monumentale de niaiserie, de Valérie Véril. La joyeuse paire formée par Anne-Lise Faucon (Karine) et Emmanuelle Goizé (Corinne) – les deux servantes sur lesquelles le seigneur n’a pas exercé son droit de cuissage avant le départ pour la Palestine… - ne convainc pas moins que celle qui réunit – jusqu’au virage de cuti ! – Olivier Hernandez (Thierry) et Flannan Obé (Didier). Gilles Bugeaud (Hippolyte), Olivier Dureuil (Patrick) et Jacques Ville (Adalbert) ne sont pas en reste au cours d’un spectacle dans lequel les musiciens, installés sur scène côté jardin, s’impliquent aussi. Les cheveux de Christophe Grapperon, parfait à la direction musicale, en savent quelque chose ! Drôle de château, loufoquissime Moyen Âge : un puissant antidote contre la morosité !
Alain Cochard
Claude Terrasse : Au temps des croisades – Paris, Athénée Théâtre Louis-Jouvet, 18 décembre, puis les 23, 26,27, 29, 30, 31 décembre 2009, les 2 et 3 janvier 2010. Le spectacle part ensuite en tournée du 8 janvier au 2 mars (infos : www.lesbrigands.fr).
Notez enfin que les Brigands reprennent La Cour du roi Pétaud de Delibes en région, du 9 avril au 3 juin 2010
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Photo : DR
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