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Compte-rendu : Louis Langrée transfigure l’Ensemble Orchestral de Paris

Pour un miracle, ce fut un miracle. Et qu’on n’espérait plus ! Ce concert de rentrée de l’Ensemble Orchestral de Paris voué à Ravel sous la direction de Louis Langrée restera dans les mémoires de ceux qui ont eu la chance d’y assister. Car à 48 ans, ce merveilleux musicien est au sommet de son art. L’aisance technique libère l’imagination poétique en le rendant totalement disponible pour l’orchestre qu’il ne lâche pas une seconde.

Dirigeant à mains nues et par cœur Le Tombeau de Couperin puis Ma mère l’Oye, il fait de chaque soliste le prolongement de ses longs bras dont les gestes puissants et précis à la fois confèrent à son discours musical une nécessité absolue. Ce chef aux racines alsaciennes a beau avoir dirigé Don Giovanni de Mozart au Met de New York avant le Festival d’Aix en Provence en juillet prochain, est chez lui dans le répertoire français ; et c’est avec lui qu’il a choisi de faire la conquête de l’Ensemble Orchestral de Paris. Celui-ci l’a du reste ovationné à la fin d’une soirée qui ressemblait fort à une demande en mariage… Nous, on ne demande que ça !

En guise de lever de rideau et avant d’entrer lui-même en scène, Langrée avait confié à cinq solistes de l’orchestre une Suite tirée des Goûts Réunis de François Couperin dit justement « le Grand », autant pour saluer l’admiration que Ravel portait à son aîné que pour jeter enfin un pont entre notre orchestre de chambre national et le jeu à l’ancienne cher aux baroqueux. Car Langrée, à l’instar de son modèle John Eliot Gardiner, se rit des vaines frontières et pratique avec un égal bonheur le double jeu … si l’on ose dire !

Aussi bien livre-t-il dans la foulée un Tombeau de Couperin d’une rare profondeur avant de donner la réplique à une Deborah Nemtanu survoltée par la virtuosité de Tzigane. Décidément, avec des super solistes de ce calibre, l’EOP est bien reparti ! C’est le pianiste Frank Braley qui vient doser magnifiquement élan juvénile et respect scrupuleux du style dans un Concerto en sol où personne ne mène seul le jeu, mais où chacun se fait le complice exemplaire de l’autre. Langrée conduira l’EOP encore plus haut dans l’enchantement féerique de Ma mère l’Oye. En vrai magicien des sons, le chef transfigure ces « Enfantines » qui atteignent des sommets dans l’éblouissement du Jardin féerique.

Adonc, oui, mille fois oui, la France a des chefs d’orchestre, des vrais, de ceux qui sont capables de changer le son d’un orchestre en deux répétitions, mais elle ne les (re)connaît pas toujours. L’essentiel, n’est-ce pas, c’est qu’ils le soient à l’étranger, en Angleterre et aux Etats-Unis pour Louis Langrée. Ils finiront bien par nous revenir. La preuve !

Jacques Doucelin

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 15 septembre, 2009

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Photo : DR
 

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