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Compte-rendu : Manon avec toutes ses notes - Biennale Massenet de Saint-Etienne
Si Jean-Louis Pichon, fondateur de la Biennale Massenet à Saint-Etienne, a bien conçu le spectacle phare de la dixième édition, Manon donnée pour la première fois en France avec les récitatifs chantés écrits par le compositeur, c’est Sylvie Auget qui a réalisé son projet. Les vicissitudes de la politique municipale ont, en effet, entraîné le départ du directeur de l’Opéra Théâtre de Saint Etienne et son remplacement par Daniel Bizeray venu du Théâtre des Arts de Rouen. Celui-ci demeure en retrait de la manifestation et se consacre à ses prochaines saisons ainsi qu’à la onzième Biennale qui n’aura lieu qu’en 2012 en raison du centenaire de la mort de Jules Massenet.
Cette Manon entièrement chantée prouve d’abord que l’outil artistique, ateliers compris, reste très performant. De bout en bout française, la distribution témoigne à la fois d’une rare homogénéité et d’un souci de la prononciation remarquable, l’orchestre et les chœurs maison sont galvanisés par leur patron, l’excellent Laurent Campellone, qui parvient à transcender quelques faiblesses passagères. Les décors d’Alexandre Heyraud comme les costumes de Frédéric Pineau qui déplacent l’action dans les années 1930, sont particulièrement élégants. Quant à la direction d’acteur de Sylvie Auget, elle est marquée au sceau de la justesse psychologique et de la jeunesse à l’exception du tableau du Cours La Reine, totalement raté situé qu’il est entre le cabaret berlinois déjanté et la maison de Madame Claude…
L’atout principal de ce spectacle, c’est le couple irrésistible Manon-Des Grieux, avec la soprano Karen Vourc’h, physicienne, normalienne et Révélation lyrique 2009, et le ténor Philippe Do, ancien de l’ESSEC, qui ont tous deux l’âge et la voix de leur rôle : leurs duos sont de vrais bonheurs. Mais ils sont aussi parfaitement entourés. Le ténor venu du baroque François Piolino campe ainsi un Guillot de Morfontaine étrangement diabolique qui concourt à faire de la soirée une authentique tragédie. Les voix graves ne déméritent pas davantage avec le Lescaut d’Olivier Grand, le Brétigny de Frédéric Goncalves et le père noble, le Comte Des Grieux, de l’inusable Marcel Vanaud. Il faut ajouter le trio mutin à souhait de Laure Baert, Diana Axentii et Patricia Schnell, respectivement Poussette, Javotte et Rosette.
Tous sont à la hauteur du pari qui consiste à chanter l’ouvrage d’un bout à l’autre, récitatifs compris. En effet, à la fin des années 1980, on retrouva une version chant piano de Manon où le compositeur avait lui-même ajouté une ligne de chant sous les mots des récitatifs qui n’étaient que parlés conformément à la tradition de l’Opéra Comique où l’ouvrage fut créé en 1884. Il s’agissait vraisemblablement de faciliter la création de Manon en Italie. Telle qu’elle est réalisée à Saint Etienne, cette version entièrement chantée s’avère très convaincante, en grande partie sans doute du fait que les chanteurs jouent et prononcent à merveille le texte de Meilhac et Gille. Elle confère, en tout cas, une plus grande unité à l’ouvrage où coexistent style opéra comique et tragédie lyrique.
Jacques Doucelin
J. Massenet : Manon (version avec récitatifs chantés) - Opéra Théâtre de Saint Etienne, 8 novembre 2009
Dernière représentation : 10 novembre, 20h.
www.opera-theatre.saint-etienne.fr
Rés. : 04 77 47 83 47
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