Depuis l’ère Liebermann, l’intérêt des reprises des spectacles entrés au répertoire de l’Opéra de Paris réside essentiellement dans le renouvellement des distributions. Le retour du Barbier de Séville de Rossini dans la vision de Coline Serreau marquée au sceau d’une Espagne musulmane ne fait pas exception. On y découvre ainsi un nouveau couple de protagonistes avec la prise de rôle très réussie de la mezzo française Karine Deshayes en Rosine et les débuts à l’Opéra Bastille du ténor sicilien Antonino Siragusa en Comte Almaviva plus bravache que lyrique. Dans la fosse, l’Italien Bruno Campanella abuse parfois du pilote automatique…

Le public n’en a cure et fait un triomphe au chef-d’œuvre de Rossini. De fait, l’orchestre est raffiné, la direction d’acteurs toujours en avance d’un gag, les décors très caravansérail de Jean-Marc Stehlé pittoresques à souhait, les chanteurs, seconds rôles compris, excellents acteurs : de quoi animer le vaudeville de Beaumarchais revu par le maître du rire en musique. Coline Serreau n’a pas sa pareille pour donner l’impression que les solistes s’amusent follement de leurs pitreries, à commencer par le Figaro du baryton roumain George Petean et la Berta désopilante de la Suissesse Jeannette Fischer dont l’air devient un morceau d’anthologie de l’opera buffa.

Alberto Rinaldi et Paata Burchuladze sont impayables dans Bartolo et Basile prouvant que le bien chanter n’est pas exclusif d’un vrai talent d’acteur. Pour ses débuts parisiens, Antonino Siragusa témoigne d’un abattage hors pair qui lui permet de triompher de la pyrotechnie rossinienne avec une technique sans faille. Au point qu’il se permet de reprendre un air que des collègues moins aguerris dédaignent généralement. La Rosine de Karine Deshayes n’est que charme et musique, tant l’artiste fait oublier tout effort technique. Une scénographie traditionnelle qui n’oublie jamais que l’opéra est autant du théâtre que de la musique.

Jacques Doucelin

Rossini : Le Barbier de Séville - Opéra Bastille, le 18 septembre 2009, à l’affiche jusqu’au 24 octobre, puis reprise du 26 mars au 23 avril 2010.

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Photo : Opéra national de Paris/ C. Leiber