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Compte-rendu : Russie / L’Orchestre National de Lille en Russie - Le triomphe de l’élégance française
La Russie est, pour Jean-Claude Casadesus, une terre d’élection qui l’a accueilli dès 1972 en compagnie de compositeurs français (Jolivet, Auric…). Depuis cette date, il vient diriger régulièrement dans ce pays en tant que chef invité. La tournée de l’Orchestre National de Lille organisée dans le cadre de l’année France-Russie avec le soutien de la Fondation BNP Paribas, du 24 au 29 septembre, à Saint-Pétersbourg, Moscou, Nijni Novgorod, Tyumen, Ekaterinbourg, crée l’événement : la phalange ne s’est en effet pas produite en Russie depuis 1988. Le défi est de taille puisque, fait sans précédent, l’ONL ouvre la saison de la légendaire Salle de la Philharmonie de Saint-Pétersbourg - une soirée confiée traditionnellement chaque année à l’Orchestre de la ville de Pierre le Grand que dirige Yuri Temirkanov.
Le programme, varié et sans concession, associe musique française (La Mort de Cléopâtre de Berlioz, des extraits des deux Suites de l’Arlésienne de Bizet), espagnole (L’Amour sorcier de Manuel de Falla) et russe (la Suite de L’Oiseau de feu de Stravinski-version 1919). Quelque peu surpris au départ par la flamboyance rythmique et l’étrangeté de L’Amour sorcier, le public pétersbourgeois s’échauffe au son de la Farandole de L’Arlésienne de Bizet, menée de main de maître par le chef et des musiciens conscients de l’enjeu. En seconde partie, La Mort de Cléopâtre, une cantate qui valut à Berlioz d’être recalé une seconde fois au Prix de Rome en 1829, est une curiosité pour l’auditoire qui montre une concentration exemplaire.
La mezzo-soprano Sophie Fournier sait rendre toute la violence de cette œuvre de jeunesse avec un sens théâtral l’emportant toutefois sur la projection de la voix. Jouer à Saint-Pétersbourg et Moscou L’Oiseau de feu de Stravinski tient de la gageure tant les sortilèges de cette œuvre sont inscrits dans les gènes de la Russie éternelle. L’interprétation très claire, fluide, souple comme une liane (Berceuse) et d’une efficacité remarquable (Danse infernale de Kastchei) séduit par un grain sonore où la couleur le dispute à la subtilité et au raffinement. L’acoustique du lieu, à la fois analytique et dense constitue un véritable écrin pour un orchestre qui ne bénéficie pas, au Nouveau Siècle à Lille, de conditions aussi idéales. Les bis (des extraits de Carmen et la Barcarolle des Contes d’Hoffmann) suscitent l’enthousiasme de la salle qui, debout, laisse partir l’orchestre à regret.
Le lendemain à la Philharmonie de Moscou (2200 places) le public, venu nombreux mais bien moins discipliné que celui de Saint-Pétersbourg, fait un triomphe aux musiciens français et à leur directeur musical dans le même programme avant la poursuite de leur périple à travers l’immensité russe.
Michel Le Naour
Philharmonies de Saint-Pétersbourg et de Moscou, les 24 et 25 septembre 2010
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