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Compte-rendu : Susanna… au plus haut des cieux - William Christie dirige Haendel
Ca tombe bien : Susanna, l’un des derniers oratorios de Haendel rime avec … Hosanna. Ce qui illustre bien l’atmosphère du concert retransmis en direct par France Musique pour inaugurer les manifestations autour du 30e anniversaire des Arts Florissants créés par le chef claveciniste franco-américain William Christie, dans une salle Pleyel pour une fois archi-comble. Il y avait même du beau linge, comme on dit, à commencer par l’actuel Ministre de la Culture Frédéric Mitterrand et une foultitude de snobs qui n’hésitent pas à se raser durant plus de deux heures après avoir découvert l’univers baroque lors de la grande vague qui en a assuré le triomphe définitif avec le fameux Atys à l’Opéra Comique pour le tricentenaire de la mort de Lully en 1987.
Car la légende dorée du baroque a gommé un peu vite des débuts difficiles. L’Etat, en l’espèce le Ministère de la Culture, a mis du temps avant de le soutenir : comme d’habitude, il a volé au secours de la victoire… C’est la section des chorales à la Direction de la musique qui s’est la première intéressée à Bill Christie et autre Herreweghe qui ont généreusement essuyé les plâtres dans la foulée de Jean-Claude Malgoire. Christie a pour caractéristique d’être un musicologue têtu doublé d’un pédagogue-né. A l’instar d’un Boulez pour la musique d’aujourd’hui, l’artiste a compris qu’il lui fallait d’abord se doter de l’outil idoine pour interpréter ces musiques aux règles oubliées : il fallait former les soldats avant de songer à gagner la bataille.
Haendel fut de tout temps sa passion : en lui appliquant ses recherches sur la musique française et italienne, il lui a redonné une vigueur incroyable hors des ornières de la routine où l’avait enlisé la tradition anglaise. Comme quoi l’excès de continuité tue aussi sûrement que la rupture brutale. Au point que les quelques longueurs qui s’insinuent dans les… rondeurs de la chaste Suzanne sont balayées par la virtuosité de ses instrumentistes et transcendées par la perfection légendaire de ses choristes. On le sait d’expérience avec Sémélé, ces faux vrais opéras que constituent les oratorios anglais de Haendel ont souvent besoin de l’adjuvant d’une vigoureuse mise en scène pour les sauver de l’ennui. D’ailleurs, à plusieurs reprises, les chœurs ont défilé sur le devant de la scène dans un mouvement chorégraphique étudié et les solistes vocaux n’ont pas hésité à se laisser entraîner dans un jeu théâtral que nul ne leur reprochera.
Les plus hardis furent les deux vieillards voyeurs, le ténor irlandais William Burden et la basse américaine Alan Ewing, qui ont apporté la nuance ironique contrastant avec la tragédie vécue par la malheureuse Suzanne très finement dessinée par la soprano Sophie Karthäuser. Son Joachim de mari le contre-ténor Max Emmanuel Cencic souffrant a été remplacé par le Canadien David DQ Lee qui a su ne pas démériter en assurant l’homogénéité de la distribution, la marque de fabrique de Christie.
Puisant dans l’immense réservoir de ses œuvres précédentes, Haendel varie sans cesse les atmosphères afin de rompre la monotonie de cette grande toile de musée inspirée des différentes peintures qu’on connaît du sujet biblique : Suzanne au bain, Suzanne et les vieillards, La chaste Suzanne, etc. Un beau lancement d’anniversaire dont la célébration va s’étendre, comme la réputation de Bill, au monde entier.
Jacques Doucelin
Paris, Salle Pleyel, le 20 octobre 2009
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Photo : DR
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