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Compte-rendu : Waltraud Meier en récital - De l’opéra au lied
Être une bête de scène n'est pas donné à tout le monde. Waltraud Meier en est une et l'on a cru longtemps son art exclusivement réservé aux planches et à l'opéra. Or, cette immense artiste n'a pas souhaité limiter sa carrière aux grandes partitions lyriques et a très rapidement cherché à s'imposer, seule face au public, dans le cadre strict et intime du récital. Si ses premiers pas dans ce redoutable exercice n'ont pas immédiatement convaincu - la voix médiane de Waltraud Meier, située entre le mezzo haut et le soprano bas n'avait pas encore trouvé son juste foyer - ils se soldent aujourd’hui par une réussite totale, le travail, la ténacité et la maturité ayant agit en profondeur sur cette forte personnalité.
A quelques semaines d'intervalle Paris a eu la chance d'entendre la cantatrice dans Marie de Wozzeck (à la Bastille), puis de la voir prêter sa voix à Isolde (en concert au TCE) avant ce récital donné à Pleyel, accompagné par son pianiste attitré, Joseph Breinl. Très en voix, Waltraud Meier s'est lancée avec l'énergie féline qui la caractérise dans l'univers schubertien ; après un Wehmut appréhendé avec une nostalgie radieuse, en prenant soin de faire claquer le mots et une Forelle pleine de légèreté et d'ironie, la cantatrice s'est métamorphosée en jeune femme, devant son rouet, recréant avec une juvénile fébrilité le récit exalté imaginé par Goethe et dont Schubert a si bien su capter la montée du désir et l'abattement qui lui succède. La vivacité d'élocution, l'équilibre du phrasé, le port de voix et la manière d'appuyer les espirations étaient tout simplement magnifiques.
Chanté en pleine pâte et sur le souffle Nachtstück, superbement articulé, précédait un Erlkönig absolument fascinant - supérieur à celui de l'album paru récemment chez Farao. Abordé avec sérénité et un tranquille détachement, le récit s'est animé à mesure que le père et le fils échangent leurs propos et que s'immisçe entre eux le sadique Roi des Aulnes. Pouvoir glisser ainsi de l'opéra dans de la mélodie, comme elle sait instiller du lied dans l'opéra, est un don que beaucoup n'ont pas. Wagner succédait à Schubert avec des Wesendonck Lieder exécutés sans aucune aspérité vocale, jusque dans les passages de registres moelleusement négociés, un sens de l'architecture et de la pensée et des accents langoureusement choisis qui font les plus beaux cycles.
La seconde partie était consacrée à Strauss avec quelques lieder soigneusement conduits et nuancés avec adresse par la cantatrice, dont le périlleux Befreit et l'immatériel Morgen, il est vrai à l'unisson de son partenaire, en apparence discret mais d'une réelle efficacité, avant l'exécution des Quatre derniers lieder. Plus aisés que ceux livrés au disque (toujours chez Farao), ils ont gagné en assurance, en clarté, en morbidezza, comme si leur fréquentation (Meier alterne la version orchestrale et celle pour piano seul) avait libéré l'artiste de ses premières appréhensions et lui permettait d'atteindre la plénitude vocale - quels aigus! - et poétique attendue à l'issue du dernier vers d'Eichendorff : "Ist dies etwa der Tod ?".
Trois généreux bis venaient conclure cette grande soirée : un téméraire et fulgurant Cäcilie, un plantureux Zueignung, Strauss toujours, et un Wolf inattendu, Abschied (Adieu), disharmonique et névrotique, mais prenant fin sur un étrange et savoureux rythme de valse brisé.
Danke schön Frau Meier.
François Lesueur
Paris, salle Pleyel, le 23 novembre 2009.
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Photo : DR
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