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Concert de rentrée de l’Orchestre de Paris (Lisa Batiashvili & Klaus Mäkelä) – Tchaïkovski, Beethoven et ... deux cheveux sur la soupe – Compte-rendu

 
Il se sera sûrement trouvé des ronchons pour ronchonner : c’est leur rôle et cela n’a aucune importance. Spontanés et enthousiastes, les applaudissements qui ont suivi le premier mouvement du Concerto pour violon de Tchaïkovski sont l’une des bonnes nouvelles de la soirée de rentrée d’un Orchestre de Paris en forme resplendissante. Ils disent que le public se renouvelle, que la présence d’un jeune maestro à la tête de la phalange parisienne contribue à attirer de nouveaux auditeurs. Cet enjeu vaut bien des prises de libertés avec certains codes – dont les siècles d’avant le dernier se moquaient bien, soit dit en passant. 

Soirée de rentrée donc, qui faisait appel à l’Orchestre et son Chœur pour un programme réunissant Tchaïkovski, Beethoven et... deux cheveux sur la soupe. Hormis nous montrer le remarquable niveau de la formation chorale (dirigée par l’excellent Richard Wilberforce), on pouvait en effet légitimement s’interroger sur l’intérêt de la présence du Laudate Dominum et du Pater Noster du Letton Pēteris Vasks (né en 1946), en prélude au Concerto op. 35 et à la Symphonie « Héroïque » respectivement. Des pages en rien impérissables qui, si l’on tenait absolument à programmer de la musique chorale, aurait pu être avantageusement remplacées par des ouvrages d'une autre teneur puisés dans les immenses répertoires russe et germanique.
 

© Gil Lefauconnier
 
Passons, et saluons plutôt comme elle le mérite l’admirable prestation de Lisa Batiashvili (photo), Klaus Mäkelä et ses troupes dans le Concerto en ré majeur de Tchaïkovski. Dès l’attaque du premier mouvement, par son phrasé, le chef entame une véritable narration. On le suit ! Dans cette partition où d’aucun en ont parfois fait « des tonnes », le lyrisme intense mais toujours tenu de la soliste convainc pleinement. Elle peut compter sur l’accompagnement aussi souple qu’attentif de Mäkelä et sur les qualités de l’harmonie (la flûte, magique, de Vincent Lucas à la sortie de la cadence, pour se limiter à ce seul exemple). Le chef porte avec soin le propos d’un maître archet, sait murmurer à ses côtés dans la Canzonetta, merveilleusement poétique et secrète, avant de faire jaillir le finale, impatient, ailé, étincelant.
L’accueil est à la mesure de la réussite et Lisa Batishvili, plutôt que de céder au poncif du Bach en bis comme pas mal de ses collègues, opte pour une solution plus en situation et offre une belle et frémissante mélodie traditionnelle géorgienne.
 
Après le Pater Noster a cappella de Vasks, place à la Symphonie n° 3 de Beethoven où s’illustre la relation de confiance que le Mäkelä entretient avec ses troupes. Ici il tient la bride, là il la relâche totalement – sans doute trop systématiquement ... L’«Héroïque » s’écoule, pleine d’élan, mais dans une approche qui ne restitue pas la rupture d’ordre tectonique que le surgissement de cette partition marque dans l’histoire de la symphonie – sans parler du poids historique dont Beethoven, par sa dédicace, finalement anonymisée, l’a chargée. On voudrait plus de feu, de violence, d’âpreté, des teintes plus charbonneuses dans la Marcia funebre (avec huit contrebasses, et quelles !, dommage de ne pas en profiter pour rabaisser un peu la couleur). De belle facture sans aucun doute, le résultat nous laisse sur notre faim.
 
Prochains concerts de l’Orchestre de Paris avec Myung-Whun Chung dans Beethoven et Brahms (25 et 26 septembre) et Klaus Mäkelä pour la 9ème Symphonie de Mahler (2 et 3 octobre).

 
Alain Cochard
 

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Paris, Philharmonie, 11 septembre 2024

Photo © Gil Lefauconnier

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