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Concert des Talents Adami Classique – La septuagénaire crée encore ! – Compte-rendu
Deux précisions, tout d’abord. La première, c’est que l’Adami n’est pas tout à fait septuagénaire, car il faudra attendre 2025 pour que cet organisme de gestion des droits de propriété intellectuelle des artistes-interprètes souffle ses soixante-dix bougies. La seconde, c’est qu’il serait plus exact de dire qu’elle crée « enfin » plutôt que « encore » : pour son concert annuel qui distingue huit « talents » dans le domaine de la musique classique instrumentale et vocale, la grande innovation cette année est que le concert se clôt avec une création mondiale, à laquelle prennent part les quatre chanteurs et les quatre instrumentistes présents.
Imsu Choi © Thomas Bartel
C’est à la Coréenne Imsu Choi (née en 1991) qu’a été commandée cette pièce, composée sur un poème écrit en 1929 par Marguerite Yourcenar, « Vous ne saurez jamais ». Poème de facture classique, en alexandrins, on ne s’en étonnera pas, et qu’importe si l’intelligibilité n’en est que partielle, car le résultat est d’une grande beauté, qui prouve, de la part de la jeune compositrice, une réelle maîtrise de l’écriture pour les voix, et une habileté suffisante pour surmonter l’écueil qu’aurait pu être l’effectif instrumental assez inhabituel imposé par la présence d’un euphonium parmi les quatre instruments.
(de g. à dr.) Iris Scialom, Gaspard Thomas, Marie Ducroux © Thomas Bartel
Avant cette création – musique d’une femme sur le poème d’une femme – les compositrices étaient déjà présentes au cours du concert, avec des œuvres dont le plus sexiste des mélomanes pourrait difficilement contester la présence au programme : deux superbes extraits des Romances opus 22 de Clara Schumann, joués au violon par Iris Scialom et au piano par Josquin Otal (Talent Adami 2015)(1), qui accompagne également tous les chanteurs ; beaucoup auront peut-être découvert la Britannique Rebecca Clarke (1886-1979), altiste qui composa surtout pour son instrument, et dont Marie Ducroux livre une séduisante interprétation de l’Impetuoso qui ouvre sa Sonate pour alto et piano.
Signe d’ouverture à des répertoires moins fréquentés, la soirée démarre avec deux pièces de David Roger Gillingham, compositeur américain né en 1947 qui s’est fait une spécialité des œuvres pour fanfare ou pour percussions. Interprète de ces deux pages pour euphonium seul, Thomas Dubois s’y montre tantôt émouvant, tantôt virtuose ; il parvient aussi à ne pas déséquilibrer la version inédite du Quatuor opus 47 de Schumann pour lequel il se substitue au violoncelle, avec Iris Scialom et Marie Ducroux, rejointes par le pianiste Gaspard Thomas, qui avait livré une brillante lecture de la cinquième des Etudes-tableaux opus 39.
(de g. à dr. ) Iris Scialom, Marie Ducroux, Gaspard Thomas, Thomas Dubois, Michèle Bréant, Flore Royer, Antonin Rondepierre, Adrian Fournaison & Imsu Choi © Thomas Bartel
Le souci de composition du programme éclate aussi dans le choix des pièces vocales, groupées par deux autour d’un compositeur. On commence par un diptyque Gounod d’une belle originalité. Depuis l’intégrale qu’a fait paraître le Palazzetto Bru Zane en 2016, l’air du héros de Cinq-Mars intéresse à nouveau les ténors : Antonin Rondepierre possède un très beau timbre, mais encore bien léger, et il confie lui-même, lors d’une des interviews-éclair menées de main de maître par Tristan Labouret, qu’il n’ose cette partition que dans un lieu aussi intime que le Bal Blomet. La misogynie caricaturale de l’air de Mazet dans La Colombe amuse d’autant plus que le rôle est confié à une mezzo en travesti : Flore Royer le chante avec la vivacité qui convient. Elle est aussi la seule des quatre chanteurs à avoir droit à une seconde intervention en soliste, et après avoir entendu la première des Three Songs pour voix, alto et piano de Frank Bridge, on regrette de ne pouvoir écouter aussitôt les deux suivantes.
C’est Mozart qui réunit Adrien Fournaison et Michèle Bréant, tout récemment Leporello et Zerline du Don Giovanni donné à l’Athénée.(2) Le premier reprend avec brio l’air du catalogue, mais semble plus baryton que vraiment baryton-basse, et son italien est encore perfectible ; quant à la soprano, elle a choisi « Durch zärtlichkeit » de L’Enlèvement au sérail, qui lui permet de briller dans la colorature, avec un suraigu parfaitement assuré, et dans un allemand peaufiné par plusieurs années d’études outre-Rhin. Les quatre voix sont réunies pour un extrait des Liebeslieder-Walzer de Brahms. En bis, une autre innovation de l’Adami qu’il convient de saluer : plutôt qu’une énième Barcarolle des Contes d’Hoffmann ou Brindisi de Traviata, c’est la chanson « Boum ! », de Charles Trenet, qui réunit tous les artistes dans un bel arrangement signé Jean-Yves Aizic, qui conclut dans l’humeur festive qui convient.
Laurent Bury
> Les prochains concerts de musique de chambre en Ile-de-France <
(1) Josquin Otal, qui a signé il y a quelques mois un aussi original que remarquable récital Respighi, Granados, Rachmaninoff, Oboukhov, Crumb, Cage chez Scala Music
(2) www.concertclassic.com/article/don-giovanni-production-arcal-au-theatre-de-lathenee-pari-gagnant-sur-la-jeunesse-compte
Paris, Bal Blomet, 2 décembre 2024
Photo © Thomas Bartel
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