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Constant Despres en récital au Festival L’Esprit du Piano 2024 – Jeunesse inspirée – Compte-rendu
On a eu l’occasion de le souligner il y a peu : depuis l’an passé, le festival bordelais L’Esprit du Piano se divise en deux volets dont le premier, printanier, est entièrement réservé à des interprètes de la nouvelle génération. Benjamin de l’édition 2024, Constant Depres y a fait très forte impression. Né en 2006 d’une mère indienne et d’un père français, il a démarré le piano au Conservatoire de Toulouse et travaille depuis 2022 au CNSMDP auprès de Marie-Josèphe Jude et de son assistant Clément Lefebvre.
Un petit prodige, diront certains. S’il leur plaît. Ce n’est pas le mot que nous utiliserons – avec la connotation un brin agaçante qu’il peut présenter – à propos du musicien au potentiel immense et à la maturité surprenante que l’on vient de découvrir. Un artiste avec un univers sonore à lui qui, à 17 ans, joue formidablement du piano certes, mais, surtout, pense le son au-delà de son instrument. Sa profonde curiosité musicale dépasse il est vrai de beaucoup le domaine de la musique dite « classique ». La personnalité originale de Constant Depres a d’ailleurs séduit un jazzman du calibre de Rolando Luna : les deux pianistes forment un duo et se produisent dans des programmes mêlant jazz et classique.
Récital très éclectique que celui dans lequel il s’est présenté à L’Esprit du Piano, lors d’une soirée organisée au Château Brane-Cantenac, dans le Haut-Médoc. Le public, la scène font partie des habitudes de Constant Despres depuis très longtemps. Entrée souriante, regard franc : le récital est un moment de plaisir pour le jeune interprète. Et il sait le partager !
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Il n’a pourtant en rien choisi la facilité : la 5ème Partita en sol majeur BWV 829 ouvre le récital. Dès le Prélude, l’énergie et la clarté du propos, le sens des plans sonores retiennent l’attention, tout comme la richesse d’une sonorité modelée avec beaucoup de subtilité (très belle ornementation) que l’on admire tout au long d’une interprétation qui culmine dans la redoutable Gigue fuguée conclusive, débordante de vie, radieuse. Un Bach d’une jeunesse inspirée.
L’Etude « Fanfares » de Ligeti ne convainc pas moins, le sens de la pulsation rythmique allant de pair avec une grande fluidité. On rêverait d’entendre Constant Depres dans l’intégrale des Etudes du maître hongrois... tout comme le voir approfondir le monde scriabinien qui, d’évidence, lui va comme un gant. A preuve : la Sonate-fantaisie n°2 dont le pianiste montre sa compréhension, sachant dépasser la dimension post-romantique pour saisir ce que cette musique pressent de l’évolution du compositeur. Ampleur orchestrale du jeu, myriade de couleurs ; savoir à un si jeune âge plonger à ce degré dans les tréfonds de l'inspiration du Russe, et en dominer le bouillonnement, n’est pas donné au premier venu. Magistral !
L’atmosphère s’apaise avec Improviso II du Brésilien Carmarguo Guarneri, d’un lyrisme envoûtant. Avec cette qualité, cette chaleur du toucher, il faut absolument que Depres creuse du côté de la musique brésilienne, chez Villa-Lobos en particulier (il ferait merveille dans le Chôros n° 5 ou le Ciclo brasileiro ...). Proposés ensuite, le Cançó i dansa n°6 et Parajo triste de Mompou soulignent le profond sens poétique d’un interprète capable de tirer tout le suc expressif de l’écriture dépouillée du Catalan.
Retour à la virtuosité en conclusion avec Liszt et l’Etude d’exécution transcendante n° 10 « Appassionata » que le pianiste sait porter à l’incandescence sans jamais céder à l’effet facile.
Alain Cochard
Festival L’Esprit du Piano 2024, Cantenac, Château Brane-Cantenac, 16 mai 2024 ; prochains récitals : Samuel Apoutou (jazz, 3 juin), Valère Burnon (4 juin), Qing Li (5 juin), Roman Borisov (7 juin) // www.espritdupiano.fr/
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