Journal
Coronis de Sebastián Durón à l’Opéra-Comique - Splendeurs retrouvées - Compte-rendu
© Stefan Brion
Composée par Sebastián Durón (1660-1716) vers la fin de sa carrière, avant son exil consécutif au changement de dynastie en Espagne, Coronis est une zarzuela baroque datée aux alentours de 1701-1705, qui convoque la nymphe Coronis confrontée au monstre Titon et à Neptune, pour finir par s’emmouracher d’Apollon. Un sujet mythologique, comme de règle dans l’art lyrique espagnol de l’époque, qui navigue entre tragique et bouffonnerie sur une musique en rapport d’une magnifique inspiration (2). Pour cette reprise du spectacle, la mise en scène d’Omar Porras vise toujours aussi juste, avec des tableaux changeants, des tenues et maquillages bariolés, un jeu d’acteurs virevoltant sous des effets de lumières et d’artifices, entre farce et épopée tout à fait en relation avec l’esthétique de l’œuvre. Quelques rares adaptations (une ou deux interventions écourtées pour de brèves apparitions) viennent modifier, depuis ce temps passé, une réalisation scénique toujours fastueuse. Un spectacle baroque, au sens propre !
Côté chant, Marie Perbost s’empare désormais du rôle-titre (succédant à Ana Quintans), avec une projection assurée tout en sachant nuancer, chez cette soprano qui confirme un métier confondant. Autre changement avec Cyril Auvity (qui prend pour sa part la suite d’Emiliano Gonzalez Toro), pour le rôle Protée, qu’il assume avec une légèreté non dépourvue d’autorité. À quelques détails près, le reste de la distribution reprend celle d’origine, avec une Isabelle Druet d’une ardeur conquérante en Triton, Marielou Jacquard et Caroline Meng pour d’impérieusement idoines Apollon et Neptune, Anthea Pichanick et Victoire Bunel pour les désopilants bouffons Sirène et Ménandro, puisque la partition fait la part belle aux voix féminines y compris pour incarner les personnages masculins (selon les critères de l’art lyrique baroque espagnol). Eugénie Lefebvre et Stephan Olry, nouveaux venus, s’acquittent sans faillir de leurs interventions ponctuelles. Une distribution en partie renouvelée, mais toujours aussi efficacement en situation.
© Stefan Brion
La vingtaine de composants du Poème Harmonique sonne de nouveau bien à propos, dans une répartition instrumentale qui porte les chanteurs sans les couvrir, sous l’autorité clairvoyante de Dumestre. On relève l’impeccable mise en ensemble des nombreux cuatros, chœurs à quatre voix. À noter cependant quelques choix dans la restitution musicale : une Corrente italiana (de Juan Cabanilles, un contemporain de Durón), quelques Pasacalle et Jácara, qui n’appartiennent pas à l’œuvre, de même que la ponctuation de castagnettes, pour ajouter une touche d’espagnolade ; comme aussi de brefs moments parlés (dus cette fois certainement à Porras, dans cette œuvre dépourvue de tout dialogue parlé). Mais on sait qu’à l’époque les modifications intervenaient couramment d’une représentation à l’autre. Il n’en reste pas moins que l’ensemble de la réalisation n’appelle que des éloges, ainsi que l’intention d’offrir aux mélomanes français la découverte d’un répertoire qui ne peut que les enthousiasmer. Trois représentations succèdent d’un jour sur l’autre. Précipitez-vous à l’Opéra-Comique ! Quant à ceux qui n’en ont pas la possibilité, ils auront à cœur de découvrir l’enregistrement qui vient tout juste de paraître chez Alpha (3)
Pierre-René Serna
Durón : Coronis - Paris, Opéra-Comique, 14 février ; prochaines représentations : 15, 16 et 17 février 2022 // www.opera-comique.com/fr/spectacles/coronis
(1) Voir notre compte-rendu :
www.concertclassic.com/article/coronis-de-sebastian-duron-au-theatre-de-caen-multiples-splendeurs-compte-rendu
(2) Voir notre présentation de l’œuvre :
www.concertclassic.com/article/coronis-zarzuela-baroque-de-sebastian-duron-renait-caen-sous-la-direction-de-vincent
(3) 2 CD Alpha 788
Photo © Stefan Brion
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