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Coup de cœur Carrefour de Lodéon & Concertclassic - Massenet mélodiste - Une interview de Sabine Revault d’Allonnes (soprano) et Samuel Jean (piano)
Belle surprise discographique de ce début d’année Massenet, le programme de mélodies que la soprano Sabine Revault d’Allonnes et le chef d’orchestre et pianiste Samuel Jean ont enregistré pour Timpani(1) met en lumière un visage méconnu et infiniment séduisant du célèbre auteur de Werther dans une interprétation synonyme de complicité et de raffinement. Rencontre avec deux passionnés de musique française.
Avant d’aborder le programme Massenet que vous venez d’enregistrer, quel est de façon plus générale votre rapport avec la mélodie française, qu’est-ce qui vous attire dans ce répertoire vaste et finalement plutôt méconnu ?
Sabine REVAULT d’ALLONNES : J’ai reçu une formation violoniste au départ et j’ai fait énormément de musique de chambre. Dans la mélodie ou le lied, la relation avec le piano me rappelle l’étroitesse de l’échange musical entre deux partenaires que j’appréciais en musique de chambre. J’aime chanter en allemand aussi, mais le fait de pouvoir dire, vivre des histoires dans ma langue natale me procure un plaisir intense. D’autant que ce répertoire de la mélodie française se situe dans une période de l’histoire musicale qui me plaît particulièrement.
Samuel JEAN : Avant de développer ma carrière de chef, j’ai été longtemps accompagnateur au CNR de Boulogne-Billancourt, au CNSM de Paris et chef de chant dans divers théâtres. C’est tout naturellement que j’ai été amené à collaborer avec différents chanteurs, et à découvrir le vaste répertoire de la mélodie notamment. A l’instar de Sabine, j’aime ce lien étroit entre les poèmes et la musique et la manière dont la musique doit être au service du texte encore plus qu’à l’opéra. J’ai découvert l’univers de la mélodie grâce à Poulenc, et ensuite Debussy, Fauré et Ravel. Mais, comme beaucoup, je ne connaissais pas les mélodies de Massenet et j’ai été frappé par la beauté et le naturel de ces œuvres même si les poèmes sont parfois datés. Et comme Sabine, j’ai une tendresse particulière pour la musique française de la seconde moitié du XIXème siècle.
Comment a débuté votre collaboration ?
S. R. d’A. : Nous nous sommes connus en 2009 sur la production d’Orphée aux enfers, pour laquelle Samuel était assistant d’Alain Altinoglu. Nous avions eu à ce moment l’occasion de faire un mini-récital avec une autre chanteuse et les choses se sont très bien passées. Au moment de la reprise de la production d’Aix En Provence d’Orphée aux enfers à l’Opéra de Toulon, que Samuel dirigeait, nous disposions de pas mal de temps et il me fallait à cette époque choisir une mélodie de Massenet pour un concours. Nous nous sommes donc mis à déchiffrer du Massenet et avons vraiment été séduits par la découverte de ce répertoire dans lequel nous sommes par la suite entrés peu à peu.
S.J. : C’est en effet à ce moment que nous avons commencé. Outre la découverte de ces partitions, c’est surtout l’évidence et le naturel de notre collaboration qui m’a le plus marqué.
Restait à enregistrer Massenet. Comment l’idée de ce CD s’est-elle imposée ?
S.R. d’A. : Le moment où nous avons déchiffré le cycle des Expressions lyriques a été décisif. Il s’agit d’un ensemble très original de dix mélodies caractérisées par l’alternance du chanté et du parlé et une musique d’une grande beauté. Nous avons pensé que ce cycle pourrait être le point de départ d’un enregistrement. Nous y avons adjoint un autre cycle, Poème d’octobre, et neuf mélodies isolées (dont Soleil couchant et La nuit sur des textes de Victor Hugo, auxquelles nous tenions particulièrement tant pour des raisons musicales que littéraires) où le violoncelle de Matthieu Fontana intervient parfois pour enrichir et diversifier la couleur d’ensemble du programme.
S.J. : Le cycle des Expressions lyriques est en effet l’œuvre la plus marquante dans le Massenet mélodiste, avec cette alternance du chant et de la déclamation. Nous avons été surpris de constater qu’il n’existait qu’un enregistrement de ce cycle, par le ténor Damien Top De plus, certaines mélodies séparées n’ont jamais été enregistrées. Enfin, la perspective de l’anniversaire de la mort de Massenet nous a encouragé à présenter ce projet.
Et puis, nous avons la chance d’avoir à nos côtés Emmanuel Chollet (producteur chez Timpani) qui nous a beaucoup soutenu, et a été tout de suite très enthousiaste. Sans lui, ce disque n’aurait jamais vu le jour…
En quoi se singularise l’art de Massenet mélodiste ?
S.R. d’A. : Un grand lyrisme, une musique continûment au service la prosodie. Massenet colle toujours aux émotions qu’il veut faire ressortir …
S. J. : Il est difficile de comparer les Expressions lyriques qui datent de la fin de la vie de Massenet, du cycle Poème d’octobre qui est une œuvre de jeunesse. Dans les Expressions, il n’y a pas d’unité stylistique, ni musicalement, ni dans le choix des poèmes qui sont tous d’auteurs différents. Le seul lien dans ce cycle est cette alternance du chant et de la déclamation. De fait, ce cycle offre une sorte d’héritage de l’écriture vocale et pianistique de Massenet, ainsi qu’une certaine modernité qu’on a du mal à imaginer chez ce compositeur.
A l’inverse, le cycle Poèmes d’octobre est plus convenu. En effet, une thématique commune lie quasiment chaque mélodie et les poèmes sont tous de Paul Collin. Au niveau de l’écriture pianistique, Massenet oscille entre des accompagnements traditionnels, qui soulignent la ligne vocale et la prosodie. Dans les Expressions lyriques, le piano dépasse largement ce cadre, en étant beaucoup plus partenaire qu’accompagnateur.
Dans tous les cas, Massenet montre un sens de la prosodie inné. Il y a dans sa musique et dans sa manière de mettre les mots en musique une sorte d’évidence. D’aucuns diraient qu’il s’agit de facilité. Je vois plutôt chez lui la marque d’un grand compositeur finalement mal connu.
Un mot enfin sur vos projets respectifs. Sabine Revault d’Allonnes, vous allez bientôt incarner Ilia dans l’Idoménée de Mozart mis en scène par Alain Garichot à l’Opéra de Tours(2) : comment abordez-vous cette prise de rôle ?
S.R. d’A. : J’effectue un travail formidable avec Alain Garichot en ce moment. Il ne veut absolument pas faire d’Ilia une victime ; pour lui c’est une personne qui a le sens du bonheur, malgré les événements difficiles qu’elle a vécus. Elle ne se plaint jamais mais est toujours en train de trouver ce qui est beau et ce qui peut continuer à la faire vivre et à la rendre heureuse. A part Idamante, tous les participants à cette production effectuent d’ailleurs une prise de rôle.
Samuel Jean, vous avez je crois un certains nombre de projets proches ou un peu plus lointains avec l’Opéra d’Avignon…
S.J. : Entre autres oui, puisque je dirigerai en juin à l’Opéra d’Avignon(3) Fledermaus avec les étudiants du CNIPAL dans une mise en scène de Charles Roubaud. Mais c’est surtout l’Orchestre d’Avignon-Provence, où je suis régulièrement invité, avec lequel j’ai de nombreux projets. Notamment, fin mars, la diffusion et l’enregistrement du Docteur Miracle de Bizet. Je suis de ceux qui pensent que le répertoire lyrique léger français n’est pas assez mis en valeur dans notre pays et j’ai très envie de faire mon possible pour le défendre et le promouvoir.
Pour les autres projets à court terme, je dirige également l’Orchestre Lamoureux début mai au Théâtre des Champs-Elysées, dans un programme Tanguy, Brahms et Dvorak, avec le violoniste Valeriy Sokolov.
Propos recueillis par Alain Cochard, le 29 février 2012
(1) Jules Massenet : Mélodies / 1 CD Timpani 1 C1191
(2) Site de l’Opéra de Tours : www.operadetours.fr
(3) Site de l’Opéra d’Avignon : www.operatheatredavignon.fr
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Photo : DR
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