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Dans les pas de Noureev de Kader Belarbi par le Ballet du Capitole (Streaming) – Précieux – Compte-rendu
Son spectacle d’hommage au géant Noureev, conçu comme un florilège de ses plus beaux pas de deux, outre quelques ensembles et variations, passe donc très bien cette rampe fictive, car l’art académique, surtout ravivé par la fougue d’un Noureev devenu chorégraphe, parvient infiniment mieux à faire mouche que quelque quête contemporaine, pour laquelle, l’ambiance, l’attention d’un vrai public serait indispensable. Sur un écran ou sur la scène en vif, 32 fouettés, c’est toujours jouissif, et une arabesque vaut autant par sa beauté linéaire que par l’émotion qu’elle pourrait dégager.
Raymonda © David Herrero
Belarbi, donc, qui vient de renoncer temporairement à la création du Toulouse Lautrec – sur une partition de Bruno Coulais (1) – sur lequel il a tant travaillé et qui a dû être remis à plus tard, bien évidemment, fait ici appel à ses souvenirs d’émule de Noureev, avec lequel il eut la chance redoutable de travailler lors de sa vie d’étoile à l’Opéra de Paris. Il en a gardé le meilleur, car si le génial tatar ne fut pas le meilleur chorégraphe de son temps, si son caractère torturé le rendit exécrable, il n’en sut pas moins par son charisme et son engagement passionné, s’attacher la fidélité extasiée d’artistes pour qui le sens de leurs interprétations, de leur parcours, s’éclaira des phares de l’intelligence et de l’inspiration.
Tradition revisitée pour ces grands ballets que Noureev portait en lui depuis son début de carrière au Kirov, où ils étaient mythiques, ou pure création avec le Cendrillon qu’il fit pour le Palais Garnier, quelques extraits parmi les plus significatifs, les plus romantiques aussi, composent donc ce bouquet offert à la mémoire du danseur disparu le 6 janvier 1993. Ils montrent la qualité des solistes et du corps de ballet du Capitole, dont on apprécie toujours, au passage, la qualité des pointes que l’exigence de Belarbi et de ses adjoints a pu obtenir – notamment pour une mémorable Giselle et une non moins mémorable Suite en Blanc de Lifar, si difficile à restituer.
S’enchaînent des extraits de Raymonda, Acte III, toujours aussi élégant, les délicats maniérismes de la Belle au Bois dormant, la scène du balcon de l’acte I de Roméo et Juliette, le glamoureux pas de deux de Cendrillon, façon Hollywood, enfin quelques séquences brillantes de l’acte « noir » du Lac des Cygnes. Danseurs en excellente forme, classe des ballerines, parmi lesquelles brille toujours autant la belle Natalia de Froberville, quintessence de distinction, les fougueux virtuoses que sont David Galstyan et Philippe Solano, les poétiques et délicats Aleksandra Surodeeva et Ruslan Savdenov. Le tout sur divers enregistrements musicaux. Et puis, dans la grisaille, quel bonheur d’admirer encore les éclatants costumes de Franca Squarciapino, la grâce fluide de ceux de la grande couturière Hannaé Mori. Une belle et courageuse idée que ce cadeau scintillant du Ballet du Capitole, qui ne cherche qu’à plaire et à faire perdurer le beau style. Il y réussit pleinement.
Jacqueline Thuilleux
(1) www.concertclassic.com/article/une-interview-de-bruno-coulais-compositeur-jadore-la-sensation-de-lephemere-sa-fragilite-le
Disponible jusqu’au 13 février 2021, sur le site du Ballet du Capitole, sa page Youtube et sa page Facebook : www.theatreducapitole.fr/web/guest/affichage-evenement/-/event/event/5806578
Photo © David Herrero
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