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« Dans ma vie il y a un avant et un après Cachafaz » - Une interview de Marc Mauillon, baryton
Marc Mauillon s’est fait plus qu’un nom sur les scènes lyriques française : elle y a dessiné un présence physique et vocale absolument unique. Rencontre avec ce chanteur qui ose tous les défis, de la Raulito assassin du Cachafaz d’Oscar Strasnoy au tendre Adonis de John Blow en passant par les intemporels lais de Guillaume de Machaut.
Le public vous a pleinement découvert dans le rôle de la Raulito du Cachafaz d’Oscar Strasnoy. Ce rôle de travesti anthropophage constituait un défi singulier. Pourquoi l’avoir relevé ?
Marc Mauillon : Pour plusieurs raisons Tout d’abord c’est Benjamin Lazar qui m’a proposé ce rôle. A l’époque je n’avais pas encore travaillé avec lui, mais je connaissais ses mises en scène et je pressentais que cette expérience serait à plus d’un titre intéressante. Je n’ai pas été déçu ! Il a su piquer ma curiosité en me présentant son projet et j’étais assez fasciné par l’idée de jouer le personnage d’un travesti, ce que je n’avais jamais fait. Enfin puisque j’acceptais de m’engager dans l’aventure, le rôle serait écrit sur mesure, ce qui est en soi un luxe et qui n’arrive pas si souvent que cela.
Je ne savais rien de la pièce de Copi, pour être honnête je ne connaissais rien de son théâtre je ne connaissais de lui que quelques dessins, pour moi alors Copi n’était qu’un illustrateur. J’ai donc découvert entièrement et son personnage et l’ampleur de son génie dramatique. Le travail sur Cachafaz s’est relevé particulièrement exigeant, autant sur le plan vocal que sur le plan du théâtre, et le personnage de la Raulito avait en quelque sorte une vertu énergisante. C’est un rôle où je me suis totalement épanoui. Et puis cette production a été l’occasion de rencontre artistiques et humaines décisives pour moi –en particulier avec Les Cris de Paris. Dans ma vie il y a un avant et un après Cachafaz. Depuis j’ai marqué un intérêt assez soutenu envers l’opéra contemporain. J’aime être surpris, découvrir des choses ; cela va dans le sens d’une certaine curiosité naturelle. J’ai de plus la chance d’avoir eu une formation musicale assez tôt, et je déchiffre sans difficulté. Cela aide pour ce type d’ouvrage, on y accède de plain pied. Au Conservatoire j’étais assez souvent sollicité comme « cobaye » pour lire les pièces des compositeurs, le pli était pris. Cela me plait de découvrir de nouveaux langages, de me plier à de nouvelles grammaires, de faire mienne une syntaxe inédite.
Cette curiosité naturelle vous amène aussi à l’autre extrême du répertoire. Vous travaillez depuis un certains nombre d’années à un projet autour de Guillaume de Machaut…
M. M. : J’ai eu la chance en Histoire de la Musique d’avoir un professeur singulier, Denis Morrier, un fin analyste des cultures musicales, qui m’a ouvert à des pans entiers du répertoire, en particulier dans la musique ancienne. Grâce à lui j’ai pu prendre la mesure de l’importance des œuvres de Guillaume de Machaut relativement tôt, mais c’est la rencontre avec Pierre Hamon qui a servi de catalyseur. Il a su me guider sur ces chemins si particuliers et je lui en sais gré. Je lui ai fais confiance et j’en ai été remercié au centuple, car la découverte de la poésie de Machaut – je le connaissais avant tout en tant que musicien – a été pour moi une révélation. On ne réalise pas assez qu’il est le plus grand poète du XIVe Siècle. Lorsque l’on se trouve confronté à ses textes on n’en sort pas indemne. Et lorsqu’en plus on peut les chanter dans une réalisation aussi splendide… un troisième CD doit sortir au printemps prochain (1). Pour le premier CD nous avons enregistré vingt-quatre strophes, pour le second trente-six. C’est un challenge d’enregistrer des formes aussi longues et aussi complètes. Nous craignions que la répétition ne lasse mais il semble que le public ait été aussi sensible que nous à l’aspect hypnotique de ces musiques.
L’Adonis de Venus et Adonis de Blow, un plein récital Dowland pour l’Opéra Comique, dans le cadre des rendez-vous programmés parallèlement à cet ouvrage, vous semblez maintenant passionné par la musique anglaise de cette époque…
M. M. : J’avais abordé Purcell, mais je ne connaissais rien de Blow, et lorsque Bertrand Cuillier m’a proposé le rôle j’ai accepté, trop heureux de découvrir une œuvre aussi émouvante qu’étonnante. A cela s’est ajoutée la proposition de l’Opéra Comique d’un concert lié aux représentations. J’ai tout de suite pensé à Dowland car j’avais envie d’en approfondir ma connaissance. De plus je voulais monter un nouveau programme avec ma sœur qui m’avait assuré que ces songs se prêtaient parfaitement à un accompagnement à la harpe. En effet en ce moment je suis plutôt dans la musique anglaise. Mais pas seulement ; samedi dernier je chantais dans Les Contes d’Hoffmann, ce n’est pas vraiment la même chose.
Voici peu je donnais avec Guillaume Coppola (2) un récital Poulenc consacré à une intégrale de ses mélodies sur des textes de Paul Eluard, nous allons d’ailleurs l’enregistrer. La mélodie française est un domaine que je fréquente depuis toujours et où j’aimerais laisser une empreinte. On me donne enfin l’occasion de proposer des récitals entiers consacrés à ce répertoire où l’on peut éprouver à plein cette jouissance de la langue française, du mot. Outre Poulenc je me consacre à approfondir les mélodies de Fauré qui me sont si chères. J’ai une actualité plutôt chargée dans les mois qui viennent. Après les représentations Salle Favart, Venus et Adonis sera en tournée jusqu’à fin janvier – vingt-trois dates en tout. Ensuite en mars et en avril j’aurai la reprise de Cachafaz à Malakoff, Vannes et Amiens. Je continue à donner des concerts avec Jordi Savall qui est devenu un partenaire très cher. Avec Emmanuelle de Negri et William Christie je prépare un programme autour de la musique du temps de Watteau. Enfin, le 18 décembre, je participerai aux Vêpres de la Vierge de Monteverdi pour le concert d’ouverture de la saison du 850e anniversaire de Notre-Dame de Paris.
Propos recueillis par Jean-Charles Hoffelé, le 2 décembre 2012
(1) Les deux premiers disque de cette série consacrée à Guillaume de Machaut sont parus chez Eloquentia.
(2) Guillaume Coppola vient de graver une version éblouissante des Danses espagnoles de Granados pour le label Eloquentia (dist. Harmonia Mundi)
Blow : Vénus et Adonis
12, 13, 14 & 15 décembre 2012
Paris – Opéra Comique
20 & 21 décembre 2012
Grenoble – MC2
www.mc2grenoble.fr
6, 8 & 9 janvier 2013
Angers – Grand Théâtre
14, 15, 17, 18 & 20 janvier 2013
Nantes- Théâtre Graslin
www.angers-nantes-opera.com
Monteverdi : Les Vêpres de la Vierge
Concert d’ouverture du 850e anniversaire de Notre-Dame de Paris
Marc Mauillon, Jean-François Novelli, Vincent Bouchot
Les Sacqueboutiers de Toulouse, dir. Lionel Sow
18 décembre – 20h30
Paris – cathédrale Notre-Dame
www.musique-sacree-notredamedeparis.fr
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Photo : N. Baruch
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