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David Haroutunian et Xénia Maliarevitch interprètent Khachaturian (SALLE CORTOT - 25 MARS) – La sonate retrouvée

 

 
Enregistrer la musique pour violon d’Aram Khachaturian (1903-1978) est un projet auquel David Haroutunian songeait depuis un moment déjà, mais il manquait toutefois de matière suffisante pour un album monographique et, surtout, d’une sonate pour violon et piano. Tout a changé ce jour de 2018 lorsque, à l’occasion d’un concert avec Xénia Maliarevitch pour le 40anniversaire de la disparition de Khachaturian au Centre Chostakovitch à Paris, il a rencontré le fils du compositeur arménien, Karen Khachaturian, et s’est vu offrir par ce dernier la partition d’une Sonate pour violon et piano inédite récemment publiée.

 

© Kira Vygrivach
 
Des danses à la tempête
 
Et quel inédit ! Presque une vingtaine de minutes d’une musique magnifique composée en 1932. Avec Xénia Maliarevitch, amie et partenaire de très longue date du violoniste – il la connaît depuis le temps où il étudiait au Conservatoire de Paris avec Jean-Jacques Kantorow –, David Haroutunian s’est vite plongé dans cet « ouvrage assez révolutionnaire dans le contexte de l’Union Soviétique d’alors, où il convenait d’adopter les formes de sonates de Mozart ou de Beethoven – avec le génie en moins ! L’œuvre comprend deux mouvements, précise-t-il ; un Lento d’abord, qui se développe de façon assez linéaire, tandis que le second mouvement (Allegro ma non troppo – Lento – Tempo- I – Cadenza – In tempo – Presto) offre un bouillonnement allant des danses à la tempête. Je pense que le caractère de l’écriture a auto-dissuadé Aram Khachaturian de la publier alors que l’on se trouvait dans les débuts du stalinisme. ».
D’ailleurs si la Sonate violon et piano op. 134 (1968) de Chostakovitch compte, elle, trois mouvements, David Haroutunian ne peut s’empêcher de déceler, dans le caractère de ses deux premiers volets, « un clin d’œil » de Dmitri Dmitrievitch à un collègue qu’il estimait grandement.

Deux inédits même !
 
Engagé, débordant de couleurs et de rythmes, le splendide album qui paraît chez Fuga Libera (2) ne s’arrête pas à la Sonate en matière d’inédit. David Haroutunian et Xénia Maliarevitch nous offrent aussi la Danse n° 1 de 1925. « Une danse très expérimentale d’un jeune compositeur de 22 ans, doué et curieux, qui se cherche et est allé butiner un peu partout. » Pièce brève (2’25) mais particulièrement savoureuse dont la présence permet de suivre l’évolution du compositeur de ses débuts jusqu’à la Sonate-monologue (1975).
« Le violon est un instrument que Khachaturian aimait profondément, souligne David Haroutunian, comme le prouve sa correspondance avec David Oistrakh (1908-1974) et Leonid Kogan (1924-1982). Le compositeur a d’ailleurs participé activement à la carrière de ces deux figures prééminentes du violon en URSS – qui occupaient un position comparable à Richter et Guilels côté piano – en dédiant son Concerto pour violon (1940) à Oistrakh et son Concerto-rhapsodie (1961) à Kogan. Et d’ailleurs, le lien entre Khachaturian et Oistrakh se prolonge, un an après la mort de ce dernier, avec la dédicace de la Sonate-monologue à Victor Pikaisen (1933-2023), fils caché d’Oistrakh – c’est un secret de polichinelle ! »
 
 

Un patrimoine en danger
 
De cette tardive Sonate-monologue où, après les ouvrages concertants portés par l’art d’un orchestrateur grandiose, Khachaturian opte pour le dépouillement et « ne passe plus que par la suggestion », David Haroutunian livre une interprétation magistrale et bouleversante au cœur d’un programme pour violon et piano que l’artiste ne pouvait imaginer réaliser avec une autre pianiste que Xénia Maliarevitch, complice irremplaçable dans l’accomplissement d’un projet qui prend un sens tout particulier pour le violoniste dans le contexte géopolitique actuel avec le conflit du Haut-Karabagh. « Le patrimoine arménien est en danger », alerte un interprète qui sait combien la musique « classique » de l’Arménie se nourrit des sources populaires.
 
C’est avec passion que David Haroutunian et Xénia Maliarevitch célèbrent Khachaturian dans un enregistrement remarquablement abouti (où figurent aussi des transcriptions signées Heifetz et Yampolsky). De quoi donner envie de retrouver les deux artistes mardi 25 mars à la salle Cortot pour le concert de sortie de leur disque. Cette soirée « Hommage à Khachaturian » permettra d’entendre la Sonate inédite de 1932, mais aussi la Danse n°1 et le Chant-Poème (1929), entourés de transcriptions de pièces de Prokofiev, Tchaïkovski, Chostakovitch et – autre emblème de l’âme musicale arménienne – Komitas.
 
Alain Cochard
(Entretien avec David Haroutunian réalisé le 28 février 2025)

 

 
(1)        chostakovitch.org/
 
(2)       1 CD  Fuga Libera FUG 840
 

« Hommage à Khachaturian »
David Haroutunian et Xénia Maliarevitch
Mardi 25 mars 2025 – 20h
Paris – Salle Cortot
https://www.concertclassic.com/concert/la-sonate-inedite-hommage-khatchatourian
 
Photo © William Beaucardet

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