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De Chopin aux Goldberg - 3 Questions à Frédéric Vaysse-Knitter
Né en 1975 à Albi et formé au Conservatoire de Paris par Venceslas Yankov et Michel Béroff, Frédéric Vaysse-Knitter a par la suite eu le privilège de bénéficier des conseils réguliers de Krystian Zimerman. Sont-ce ses origines polonaises ? Le pianiste français entretient en tout cas une relation privilégiée avec la musique de Frédéric Chopin. Après l’avoir interprétée à Garnier lors de la récente reprise de la déjà mythique Dame aux camélias de John Neumeier – ballet auquel il participe avec son collègue Emmanuel Strosser depuis sa création en 2006 -, il la retrouve aux côtés celle de Schumann, le 18 mars à la Sorbonne. Mais Bach occupe aussi Frédéric Vaysse-Knitter : son enregistrement des Variations Goldberg paraît fin mai(1) et, comme souvent dans un passé récent, il jouera l’ouvrage en concert à l’Athénée en fin de saison (23 juin).
Vous sortez tout juste de la reprise de La Dame aux camélias au Palais Garnier – spectacle auquel vous participez avec Emmanuel Strosser depuis sa création. Que représente pour vous l’expérience consistant à revenir plusieurs soirs d’affilée aux mêmes œuvres ; ce rapport avec la danse aussi ?
Frédéric Vaysse-Knitter : Il est évident que l’on est obligé d’avoir regard nouveau sur les œuvres, peut-être un peu plus distant dans la mesure où il s’agit d’un triptyque entre la danse, la musique et ses interprètes. Lorsque l’on a assimilé un peu plus le langage de la danse, on peut aussi concevoir cela comme de la musique de chambre avec le danseur – pas lorsqu’il y a tout le corps de ballet, mais lors des pas de deux ou des solos. Ce qui change évidemment beaucoup c’est qu’un « carcan » s’impose à nous, dû au fait que le danseur ne peut physiquement interpréter les choses qu’à un certain tempo – il est différent d’ailleurs selon l’artiste, sa taille, sa façon d’interpréter la musique. A chaque reprise du spectacle on joue évidemment les mêmes œuvres, mais l’interprétation qu’on en a est très évolutive en fonction du danseur et du rapport que l’on a avec lui. Il y a donc à la fois ce « carcan » et une certaine liberté, que l’on trouve au bout d’un certain nombre de répétitions et de représentations, tant dans l’interprétation que dans le fait d’être en osmose avec le danseur.
Le fait de revenir plusieurs soirs d’affilée aux mêmes œuvres est une chance que les pianistes n’ont pas souvent. Si cela durait six ou sept mois, il y aurait sans doute une lassitude qui s’installerait, mais avec une quinzaine de représentations, on est véritablement immergé dans ce que l’on est en train de travailler ; on n’est pas en train de « switcher » comme un comédien qui aurait à jouer un soir Richard III, le lendemain Le Malade imaginaire et le surlendemain une comédie de boulevard. C’est ce qui arrive souvent aux pianistes… La sécurité qu’apporte la répétition d’un même programme rend plus libre dans l’interprétation – en un mot, on est « rodé ».
Après Chopin à Garnier, vous revenez à l’une des sources de la musique de Chopin, Jean-Sébastien Bach, avec un enregistrement des Variations Goldberg qui paraît bientôt (1) et vous donnerez aussi l’ouvrage en concert à l’Athénée le 23 juin. Sacré défi que celui des Goldberg ! Quelle a été la genèse de ce projet ?
F. V. K. : Tout remonte à l’Aria que j’ai travaillée tout petit dans le cahier d’Anna Magdalena. Cette pièce m’a toujours accompagné dans ma vie et toutes les Goldberg ensuite. Se pose toujours la question « j’ose, je n’ose pas ? » ; finalement je préfère me dire « j’ai interprété le Variations Goldberg », plutôt que « je voudrais ». On peut penser mille choses de ce qu’un interprète fait d’une œuvre, mais j’avais besoin de faire, de vivre ces Goldberg et j’ai franchi le pas. Cela représente un somme de travail évidemment colossale, c’est une œuvre qui vous accompagne tous les jours de votre vie. Tous les matins lorsqu’on se réveille se produit la magie qui fait que c’est à la fois la journée que l’on vit qui joue sur l’œuvre et celle-ci qui joue sur notre journée. Quand on interprète un soir en concert les Goldberg, la journée qui précède n’est pas la même que lorsque l’on joue d’autres œuvres. C’est un tel monument, il nécessite tellement d’investissement émotionnel et intellectuel ; les Goldberg sont une œuvre « à part ».
Avant de les enregistrer j’ai souhaité pendant assez longtemps les partager avec le public et, pendant un an et demi, je les ai données en concert, aussi bien en France, qu’en Allemagne ou en Amérique du Sud ; dans divers pays et diverses conditions, pour véritablement avoir à propose quelque chose qui soit non seulement le produit de mon vécu intérieur, mais aussi de l’ordre de l’échange avec le public. Ainsi, en studio, j’ai pu puiser dans l’énergie reçue auparavant et ne pas être dans une situation « défensive » ; car lorsque l’on enregistre on s’écoute, on compare, on crée un distance, alors qu’au concert on est dans l’action, on va vers l’autre. C’est ce que je voulais préserver dans les conditions de l’enregistrement. Je l’ai réalisé avec, Hugues Deschaux, un ingénieur du son que je connais depuis mes seize ans. Je souhaitais partager les Goldberg en studio avec quelqu’un qui me connaisse aussi bien, musicalement et humainement.
Dans un futur très proche (votre récital à la Sorbonne, le 18 mars) vous restez fidèle à Chopin, mais vous ne négligez pas pour autant Schumann…
F. V. K. : Bien que ce récital soit organisé par la ville de Varsovie et le Centre de civilisation polonaise de la Sorbonne, je pense que Schumann est un peu oublié et ça me paraît très dommage. Chopin n’avait pas beaucoup d’admiration pour Schumann, mais Schumann en avait en revanche pour son collègue et j’ai souhaité consacrer mon concert à Chopin et Schumann à parts égales. La 1ère Ballade, les Nocturnes op 27 n°1 et 48 n°1 et les Mazurkas op 63 se rapportent bien à la personnalité de Chopin qui était plutôt un compositeur de petites formes. A contrario, Schumann était à l’aise dans les cycles, les œuvres de vastes dimensions, telles les Variations symphoniques que je jouerai.
Propos recueillis par Alain Cochard, le 5 mars 2010
(1) 1 CD Air Note/ dist. Codaex
Frédéric Vaysse-Knitter en concert
La Sorbonne/ Amphithéâtre Richelieu/ 18 mars 2010
Chopin/Schumann
20h – Entré libre
Auditorium de Dijon/ 24 mars 2010
Beethoven/ 3ème Concerto ( + œuvres orchestrales de Mozart et Brahms)
Avec le Camera Orchestre, dir. Jean-François Verdier
Infos : www.opera-dijon.fr
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Photo : DR
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