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Deux concerts en images du Festival ManiFeste – Classiques du 7e art et sonorités contemporaines – Compte-rendu
Présenté dans la petite salle de la Cité de la musique, Paris qui dort (photo), film muet daté de 1923, bénéficie d’une version restaurée en 2018 qui réduit quelque peu l’œuvre de 15 minutes (pour aboutir à 60 minutes de projection). On connaît son sujet, qui en son temps fit sensation : un savant fou (encore un !) a inventé un rayon qui immobilise êtres et objets et qu’il expérimente à Paris. Le gardien du sommet de la Tour Eiffel et cinq personnes débarquées d’avion échappent à ce sortilège, en raison de leur altitude au moment des faits, pour errer dans une ville figée. Une inspiration fantastique aux accents surréalistes qui multiplie arrêts sur image, ralentis, accélérés, pour mêler poésie et burlesque témoignant dans l’un de ses premiers films du grand talent de Clair.
Yan Maresz (né en 1966) en avait déjà écrit une musique d’accompagnement en 2005, qu’il a remaniée cette année afin de correspondre à la nouvelle version du film. Une musique poétique, volubile, presque bavarde pour un petit ensemble inhabituel (flûte, clarinette, accordéon, violoncelle, trombone, percussion) qui soutenu par l’électroacoustique Ircam aboutit à une autre narration. Au point parfois, dans sa riche pâte sonore, de se faire oublier pour se fondre dans le spectacle visuel. C’est dire qu’elle réussit son effet. L’ensemble Court-Circuit, sous la direction pointilleuse de Jean Deroyer, y est pour beaucoup, qui avec l’appoint de la technique électronique Ircam (réalisée par Benoit Meudic) participe de cette fusion du son et des images. Bien dans le jeu de miroir, comme le veut la thématique du festival.
Le lendemain, autre registre, avec « Vertigo – Infinite Screen », ou l’illustration par de nouvelles images et une nouvelle musique de l’esprit et de la réflexion du film d’Hitchcock (de 1958). Sont ainsi associés pour une même œuvre, musicale et visuelle, le compositeur Brice Pauset (né en 1965) et le duo de plasticiens vidéastes Arotin & Serghei. Ces derniers ont conçu des projections découpées en 18 écrans rassemblés, pour des alignements vivement colorés et mouvants, en phase avec le caractère tourmenté de Vertigo et avec même quelques images fugitives du film en rapides séquences. La partition de Pauset fait aussi une ou deux références à la musique originale du film (signée du grand Bernard Herrmann) mais pour se poser autrement, dans une matière sonore toute différente, d’une musicalité tout aussi séduisante mais éclatée, pointilliste, quasi impressionniste.
Pierre-René Serna
Festival ManiFeste jusqu’au 30 juin 2021 : manifeste.ircam.fr
Photo © DR
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