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Die stumme Serenade de Korngold par Opera Fuoco à Levallois – Charme viennois – Compte-rendu
Le travail avec de jeunes chanteurs fait partie de l’ADN de la compagnie Opera Fuoco, fondée en 2003 par le chef David Stern. S’il n’hésite pas à interpréter des partitions fameuses, ce dernier sait aussi faire place dans ses choix à la rareté et à la découverte. On vient d’en avoir une probante illustration avec Die stumme Serenade (La Sérénade silencieuse) d’Erich Wolfgang Korngold (1897-1957) dans la jolie salle Ravel du Conservatoire de Levallois-Perret.
La période délimitée par la création de la Ville Morte en 1920 à Cologne et Hambourg et par celle de la Sérénade silencieuse à Dortmund en 1954 (1), trois ans avant la mort de Korngold à Los Angeles, comprend l’essentiel de la carrière de l’artiste autrichien (naturalisé américain en 1943). Poussé à l’exil par la montée du nazisme, Korngold s’exila aux Etats-Unis en 1934 et devint vite l’un des auteurs les plus prisés d’Hollywood. Après le succès de la Ville morte, l’opéra ne porta guère chance au musicien et Die stumme Serenade (elle faisait suite à Das Wunder der Heliane, de 1927, et Die Kathrin, de 1937), ultime réalisation lyrique qui avait occupé son auteur de 1946 à 1951, fut mal reçue lors de la création scénique de 1954 (1).
Olivier Bergeron (Andrea Coclè) © Opera Fuoco
Musique «inactuelle » pour son temps, il est vrai, que cette comédie musicale (sur un livret en allemand de Victor Clement) très imprégnée du souvenir de l’opérette viennoise, celle de Lehár en particulier. Côté instrumental, la partition retient l’attention par un effectif aussi réduit que singulier (2 violons, violoncelle, flûte, clarinette/saxophone, percussions, piano, piano/célesta), que Korgnold exploite avec un merveilleux sens de la couleur et une veine mélodique entêtante.
Dialogues en français, airs sous-titrés : toutes les conditions sont réunies par la production d’Opera Fuoco pour que le public savoure pleinement la création française de la Sérénade silencieuse. Naples, 1820 : Andrea Coclè, couturier célèbre, pose un baiser sur les lèvres d’une femme endormie , Silvia Lombardi, l'une de ses clientes, et l’épouse d’un Premier ministre qui est au même moment la cible d’une tentative d’attentat à la bombe. Andrea va se retrouver accusé de celle-ci, tout comme d’avoir cherché à enlever Silvia – il n'a pourtant fait que lui chanter une « sérénade silencieuse ». Condamnation à mort ! Après moult rebondissements – dont un rapide passage du couturier au poste de chef du gouvernement de Naples ! – le happy end réunit Andrea et Silvia qui, amoureusement, entonnent ... la sérénade silencieuse !
A la mise en scène et à la scénographie, Olivier Dhénin (Compagnie Winterreise) transpose l’action dans les années 1920. Excellent choix, que viennent élégamment conforter les costumes d’Hélène Vergnes et les lumières d’Anne Terrasse. Simple, fluide et vivante (les chorégraphies de Nina Pavlista ont manqué de temps de réglage, mais il n’y a rien là de rédhibitoire), la production réunit un plateau animé par un bel esprit de troupe.
Un peu sur la retenue au départ, le jeune baryton canadien Olivier Bergeron, trouve vite ses marques et, avec le physique de l’emploi, entre totalement dans le personnage d’Andrea. Face à lui, la Silvia de Dania El Zein charme par la clarté de son timbre et la souplesse de l’émission. On remarque aussi la voix généreuse de Julie Goussot en Louise, le Caretto plein d’autorité de Louis Roullier, le Sam, journaliste très franc du collier, d’Olivier Gourdy et le Gouverneur haut en couleur, comme sorti d’un album d’Hergé, de Marco Angioloni.
Souplesse, énergie, sens des timbres et du lyrisme : David Stern mène ses musiciens avec conviction sans jamais perdre un instant de vue le plateau, ni le parfum si particulier – intensément nostalgique – de la partition.
Un seule représentation hélas ... Espérons que cette charmeuse Sérénade silencieuse sera reprise sur d’autres scènes. Elle le mérite et la légèreté des moyens auxquels elle fait appel l’y prédispose.
Alain Cochard
(1) La création radiophonique avait eu lieu sur les ondes de Radio Vienne dès 1951, sous la direction du compositeur (un enregistrement en est disponible, avec Hilde Ceska et Fred Liewehr en tête de distribution – Archipel)
Korngold : Die stumme Serenade (La Sérénade silencieuse), création scénique française – Levallois-Perret, Conservatoire (Salle Ravel), 11 mai 2019
Site d’Opera Fuoco : operafuoco.fr/
Site de la Compagnie Winterreise : www.winterreise.fr/
Photo © Opera Fuoco
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