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Dmitry Shishkin au 12e Festival L’Esprit du Piano de Bordeaux – Clavier intense – Compte-rendu
Un peu plus d'une décennie après son lancement, le Festival L’Esprit du Piano de Bordeaux est devenu un rendez-vous incontournable pour les amoureux de piano. D’Elisabeth Leonskaja et Ivo Pogorelich à András Schiff, d’Arcadi Volodos à Bruno Rigutto, de Chucho Valdes au Rolando Luna Trio et à Dan Tempfer – car le jazz a toujours été présent, au plus haut niveau –, le féru de clavier est particulièrement comblé cette fois. Et la jeune génération n’a pas été oubliée par Paul-Arnaud Péjouan, directeur artistique, avec Alexandre Kantorow, Florian Noack, Celia Oneto Bensaid, Amaury Faye, Lise de la Salle ou Jean-Baptiste Fonlupt. Si la plupart des concerts se tiennent à l’Auditorium de Bordeaux, d’autres scènes sont visitées : le théâtre Femina, l’Amphi 700 de l’Université Bordeaux Montaigne, Le Rocher de Palmer et l’église Notre-Dame. Dans cette dernière sont proposés des récitals en une partie confiés à de jeunes artistes. Au lendemain de celui de Dmitry Sin, c’était au tour de Dmitry Shishkin (né en 1992) de se produire.
Si le public français retient d’abord du palmarès du Concours Tchaïkovsky 2019 son 1er Prix, le prodigieux Alexandre Kantorow, il ne faudrait pas oublier le 2e Prix : Dmitry Shishkin (1er Prix ex æquo à Genève l’année précédente), magnifique artiste issu de l’Institut Gnessin et du Conservatoire de Moscou.
Ciselés avec un princière élégance, les deux Rameau (Les Trois Mains, Le Rappel des oiseaux) qui ouvrent le programme conjuguent plénitude sonore et clarté. On est saisi par la magnétique intensité d’un toucher qui sait jouer avec une acoustique généreuse. On le mesure plus encore dans L’Isle joyeuse, que l’interprète déploie avec une rayonnante luminosité et une ampleur quasi orchestrale.
La musique de Medtner trouve peu à peu sa place dans les programmes, mais demeure trop rare encore et l’on se réjouit quand un jeune interprète s’y aventure. D’autant qu’elle est d’évidence faite pour Shishkin qui a retenu quatre des six Skazki (Contes de fées) op.51 (1928), dernier recueil du genre du compositeur.
Le jeune Russe nous fait d’abord savourer la vigueur de caractère et la profusion de couleurs du n° 1, le lyrisme fermement conduit du n° 3, le jubilatoire élan du n° 6, avant de s’autoriser une incursion chez Chopin avec les trois Mazurkas op. 59, d’une roborative santé, et le Scherzo n° 2 lapidaire, fantasque et narratif à souhait. Après le feu de cette pièce, le Skazki op. 51 n°2 paraît on ne peut mieux venu.
Virtuose hors pair, Shishkin ne se complaît jamais dans un étalage complaisant de son admirable technique : les fameuses Etincelles de Moszkowski offrent un modèle d’intelligence poétique sous ses mains. Quant à la Sonate K. 481, servie par un jeu aussi poète qu’irradiant, elle fait espérer que l’interprète enregistrera un jour une anthologie Scarlatti.
La fête du piano se prolonge jusqu’au 7 décembre à Bordeaux avec, parmi les rendez-vous les plus impatiemment guettés, un récital Brahms-Liszt d’Alexandre Kantorow, qui se produira aussi avec l’Orchestre national de Bordeaux et Paul Daniel dans le Concerto n° 2 de Liszt. Le point d’orgue du festival consistera en une intégrale des nocturnes de Chopin par Bruno Rigutto, accompagnée d’une création vidéo signée Axel Arno et Maurice Salaün.
Alain Cochard
Photo © DR
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