C’est à un itinéraire spirituel autant qu’à un panorama de la musique baroque que nous convie l’Ensemble ZENE (1) avec "Via Dolorosa", son tout premier enregistrement.(2)
Créé en 2014 par le chef et choriste franco-hongrois Bruno Kele-Baujard, ZENE réunit de jeunes instrumentistes et chanteurs professionnels autour de la musique ancienne. Formé au chant et à la direction par György Ligeti, Peter Eötvös, Helmut Rilling et Ariel Alonso, le jeune chef met l’accent sur la musicalité et la clarté du chant pour servir la dramaturgie des plus belles polyphonies. « Via Dolorosa » s’affirme donc comme une méditation sur la Crucifixion de Jésus. Le CD s’interroge ainsi sur ses implications pour l’homme avec l’Ave Verum Corpus, œuvre religieuse la plus célèbre de William Byrd (1538-1623), nourri de musique Renaissance, puis avec le Crucifixus à 8 voix de l’Italien Antonio Lotti (1667-1740).

W. Byrd : Ave Verum (ext.)
 

D. Scarlatti : Stabat Mater (ext.)

Suit le Stabat Mater pour 10 voix et basse continue de Domenico Scarlatti (1685-1755), œuvre émouvante qui rappelle les affres de Marie contemplant, impuissante, l’agonie de son Fils. Viennent ensuite deux belles pièces anglaises de Henry Purcell (1659-1695) : Remember not, Lord, our offences et le célèbre Hear my prayer, O Lord, qui réitèrent la demande de rédemption. Elles introduisent aussi l’œuvre la plus étonnante du disque, à savoir le fameux Miserere pour neuf voix de Gregorio Allegri (1582-1652), mais dans une version revisitée par le maître de chapelle pontifical Tommaso Bai (1636-1714), et rarement donnée.  Le compositeur y a en quelque sorte officialisé certaines des ornementations qu’ajoutaient les chantres à chacune de leurs interprétations du Miserere.

Bruno Kele-Baujard @ Hugo Warynski
 

Purcell / Hear my prayer (ext.)
Un Miserere d’Allegri « baroquissime » : au recueillement s’ajoute une virtuosité faite d’ornementations, mélismes et contrepoints qui devient la règle pour les deux chœurs antiphoniques et pour les sopranos, dont les célèbres envolées lyriques se parent de couleurs osées et séduisantes. Belles, douces et inspirées, les voix des choristes surmontent avec élégance les difficultés et les changements de rythme, tissant un séduisant entrelacs de voix et d’émotions. Le chef de chœur augmente cette dramaturgie en rajoutant une dixième voix au vers final pour le rendre plus universel.

Allegri/Bai : Miserere (ext.)
Par la subtilité de leur accompagnement, Justin Glaie (théorbe), Nicolas Verhoeven (violoncelle) et Thomas Tacquet (orgue) valorisent idéalement les voix, ce qui achève de faire de ce disque une réussite. ZENE confirme ainsi les promesses faites à ses mécènes : la Fondation Orange, la Spedidam et les donateurs du mécénat participatif. En 2018, l’ensemble  entamera une recherche sur la musique baroque hongroise des XVIIe et XVIIIe siècles (Kájoni, Seregély…).
Pour l’heure, c’est à Paris (le 30 avril) et à Paray-le-Monial (le 10 mai) que l’on peut retrouver Bruno Kele-Baujard et sa formation, dans des pages de Marc-Antoine Charpentier.

Michel Grinand

(1) pononcer zènè, mot hongrois signifiant « musique »
(2) « Via Dolorosa », œuvres de Purcell, Byrd, Scarlatti, Lotti, Allegri (1 CD Klarthe Records / dist. Harmonia Mundi)
 
Prochains concerts de l’Ensemble ZENE
Avec Eugénie Lefebvre, Myriam Arbouz et Clément Debieuvre (30/04), et Lucile Richardot (10/05)
M.-A. Charpentier : Leçons de Ténèbres

30 avril 2018 – 20h30
Paris – Eglise des Billettes
10 mai 2018 – 21h
Paray-le-Monial – Basilique
www.ensemblezene.com