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Don Giovanni à Athènes (Streaming) – On change les draps et on passe à autre chose – Compte-rendu
Après avoir lancé fin novembre sa plateforme numérique avec une Butterfly (1) captée le mois précédent, l’Opéra national de Grèce poursuit en proposant un Don Giovanni filmé en décembre à huis clos, tout l’orchestre étant masqué. Pour ce spectacle coproduit avec Göteborg et Copenhague, la mise en scène a été confiée à John Fulljames, directeur de l’Opéra royal du Danemark : le DVD a notamment préservé sa vision d’Orphée et Eurydice à Milan avec Juan Diego Florez, ou de Street Scene à Madrid.
Tassis Christoyannis (Don Giovanni) © Andreas Simopoulos
Cette production de Don Giovanni opte pour une transposition à l’époque contemporaine, chose devenue assez banale depuis Peter Sellars en 1989 ou Michael Haneke en 2006, à moins qu’il ne s’agisse plutôt ici d’une dystopie nous projetant dans l’avenir. On peut se le demander, puisque l’hôtel où se déroule toute l’action – de la chambre du séducteur aux sous-sols en passant par l’accueil et les ascenseurs – a pour personnel une équipe de robots, d’androïdes tous identiques.
Cela dit, même les personnages « humains » arborent des perruques clairement reconnaissables pour telles (Don Giovanni et Leporello, lorsqu’ils échangent leurs vêtements, ajoutent même une perruque supplémentaire par-dessus celle qu’ils portent déjà). Parabole d’un univers déshumanisé où le cadavre du Commandeur est suspendu à la morgue entre deux carcasses de bœuf, et où les robots se contentent de refaire imperturbablement le lit dans lequel Don Giovanni vient de mourir ? Peut-être, mais la mise en scène ne semble pas non plus formuler clairement pour ce type de lecture, et ne dépasse guère le niveau illustratif (la production signée Damiano Michieletto à Venise, également située dans une sorte d’hôtel, était autrement fascinante).
Daniel Smith ©danielsmithonline.com
En fosse, un autre anglophone, le chef australien Daniel Smith propose une direction mesurée mais sensible, sans toujours pouvoir éviter de menus décalages avec les chanteurs. C’est la version de Prague qui est ici choisie (ni « Dalla sua pace » ni « Mi tradì », mais fin heureuse).
Sur scène, en revanche, la distribution est exclusivement grecque, avec une tête d’affiche de dimension internationale. Le versant féminin n’est pas tout à fait à la hauteur des exigences mozartiennes. Affublée d’une tenue qui rend le personnage particulièrement ridicule (mélange de motifs écossais et d’imprimé léopard), Anna Stylianaki est une Elvire un peu trémulante et à la voix non exempte de tensions ; Vassiliki Karayanni déçoit en Anna, à cause d’un timbre voilé, aux contours particulièrement flous dans l’aigu. Chrissa Maliamani s’en sort mieux en Zerline, mais le rôle est moins exposé. Les messieurs offrent bien plus de satisfactions. Si Nikos Kotenidis offre un Masetto très correct, Petros Magoulas est un Commandeur comme on aimerait en entendre plus souvent, qui possède pleinement l’autorité et la couleur du rôle. Bien qu’il doive revêtir une peu seyante robe verte pour le trio des masques, et malgré un certain manque de prestance, Yannis Christopoulos est sur le plan musical un Don Ottavio tout à fait convaincant, et l’on regrette de ne pouvoir entendre qu’un des deux airs. Tassos Apostolou est un Leporello amusant par ses mimiques, dont la voix se distingue idéalement de celle de son maître. Tassis Christoyannis trouve dans le rôle-titre un emploi à la mesure de son talent ; il y déploie une énergie carnassière on ne peut plus adéquate, qui n’empêche pas les nuances, avec notamment un deuxième couplet de la sérénade délicatement chuchoté. On aimerait le retrouver dans une production théâtralement plus stimulante.
Laurent Bury
(1) www.concertclassic.com/article/madama-butterfly-lopera-national-de-grece-streaming-emonela-jaho-dans-son-role-fetiche
(2) L’un des rôles dans lesquels la France a découvert Christoyannis au début de la décennie dernière : www.concertclassic.com/article/don-giovanni-lopera-de-tours-une-cure-de-jouvence
Mozart : Don Giovanni - Disponible depuis le 14 février 2021 en replay (payant) : www.ticketservices.gr/
Photo © Andreas Simopoulos
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