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Don Giovanni au Festival de Beaune – Place aux jeunes ! – Compte rendu
Depuis sa première apparition en 2006 dans Idomeneo, Jérémie Rhorer a tissé d’indéfectibles liens avec le Festival de Beaune. En quelques années le jeune chef français a grandi, s'essayant à un large répertoire, de Bach à Escaich, avec la création de Claude à Lyon en 2013, tout en revenant régulièrement à la figure emblématique de Mozart et à ce Don Giovanni, donné cette saison à Paris (TCE) et à Aix il y a quelques semaines. A la tête du Cercle de l’Harmonie, sa direction enflammée, toujours pertinente, avec sa ligne générale sobre et tenue, son sens de l'architecture solidement déployé, relevé par une palette d'accents et de couleurs typiquement baroques, a trouvé sa place parmi le grand nombre de concurrents. Et même si l'acoustique de la Basilique n'est pas toujours flatteuse, notamment pour les vents parfois diffus, sa lecture maîtrisée qui allie puissance et souffle ne démérite pas.
Jérémie Rhorer © Festival de Beaune
Comme pour Tancredi la veille (1), la distribution est marquée par l'extrême jeunesse des protagonistes. Les premières à dominer le plateau sont les femmes, avec tout d'abord la Donna Elvira conquérante de la mezzo-soprano Arianna Vendittelli, au tempérament volcanique qui ne se laisse impressionner ni par la tessiture du rôle, ni par la passion qui agite son personnage d'amoureuse éconduite et éperdue. Sa prestation musicale de haut niveau et la théâtralité de son approche laissent entrevoir une musicienne dont la rigueur stylistique est restituée avec une intensité qui jamais ne retombe. Nous serions heureux de la retrouver en scène dans une production digne de son talent.
Vannina Santoni (Donna Anna) et Fabio Trümpy (Don Ottavio) © Festival de Beaune
Vannina Santoni est une Donna Anna racée qui traduit assez finement les atermoiements de cette insatisfaite chronique, explosive dans « Or sai chi l'onore » et plus nuancée dans « Non mi dir » ; seules quelques scories techniques viennent brouiller ça et là la ligne de chant pourtant soignée, parfois déstabilisée par un manque de contrôle et une émission plus floue. Quoiqu'il en soit une interprète à surveiller. Soprano au timbre assez plat, Catherine Trottmann ne dépasse pas le stade de la bonne élève avec cette Zerlina au profil convenu et aux couleurs estompées : dommage car la jeune femme est plutôt charmante surtout face au Masetto rugueux et gentiment colérique dessiné par la basse Krzysztof Baczyk.
David Leigh prend un plaisir rare à chanter les notes du Commandeur d'une voix puissante aux accents caverneux que son physique rend plus effrayant encore. Bel Ottavio du ténor suisse Fabio Trümpy qui vocalise avec adresse et défend son personnage avec insistance, refusant de passer pour un faible aux yeux de son entourage et qui s'impose face à celle qu'il aime, l'ingrate Anna qui lui est promise, mais qui pourtant se dérobe. Absent pour des raisons familiales, Nahuel di Pierro était remplacé par Luigi De Donato (photo à dr.), solide Orbazzano la veille dans Tancredi : son Leporello facétieux, admiratif et révolté par l'attitude de son maître, s'inscrit dans la grande tradition, dopé par une diction limpide, un art consommé du récitatif et des accents au mordant impeccable.
Reste le cas du Canadien Gordon Bintner (photo à g.), incontestablement trop jeune pour le rôle-titre, tout d'abord vocalement en raison d'un instrument peu puissant, sans caractère suffisamment affirmé pour faire exister Don Giovanni, séducteur et avant tout un beau parleur. La diction trop légère n'autorise pas la faconde et les récitatifs en souffrent, des chapelets de texte passant trop souvent à la trappe. S'il sait bomber le torse, son charme demeure trop souvent appliqué, comme si le baryton essayait des recettes sans être encore en mesure de les dépasser. Cela devrait venir avec le temps.
François Lesueur
Mozart : Don Giovanni – Beaune, Basilique, 23 juillet 2017
(1) Lire le CR : www.concertclassic.com/article/tancredi-de-rossini-au-festival-de-beaune-2017-la-releve-est-la-compte-rendu
Photo : Gordon Bintner (Don Giovanni) et Luigi de Donato (Leporello) © Festival de Beaune
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