Journal

DVD : Zoroastre de Rameau, un événement absolu

Le spectacle est prodigieux, en ce sens qu’il se souvient de la révolution opérée par l’Atys de Jean-Marie Villégier. Le sujet même de Zoroastre, la lutte d’une lumière ambiguë contre des ténèbres affirmées, appelait cette symphonie de noirs qui culmine dans les imprécations de l’acte IV que l’on saisit ici enfin dans toute sa violence. Les résurrections de Zoroastre furent rares, celle-là en fait aurait suffit du moins pour son théâtre. Et l’on est plus surpris encore d’y saluer Pierre Audi, jusque là étranger à la tragédie lyrique, et s’essayant de surcroît à son premier Rameau, rendant moderne par quelques aménagements – souvent des personnages sont en scène qui ne devraient pas l’être et se font ainsi témoins des agissements qui devraient leur rester inconnus déclenchant devant le spectateur leur ires ou leurs désespoirs – une dramaturgie certes complexe mais aussi prisonnière de codes impavides.

Musicalement, on reste un cran en dessous des fulgurances d’un spectacle qui doit autant aux intentions de Pierre Audi qu’aux chorégraphies expressives d’Amir Hosseinpour, pour ne rien dire de la fulgurance des changements des décors à coulisse. Rousset peine un rien à ouvrir grande les ailes de l’orchestre ramiste. Sa formation limitée y est pour beaucoup mais pas seulement. Et la distribution est trop inégale : pour une vraie révélation, l’Erénice de Panzarella, torche vive, cent coudées au-dessus de ce qu’elle fit au disque voici cinq ans pour William Christie, et pour le parfait Zoraoastre de Dahlin, il faut faire avec le terrifiant – faux, hurleur, mal disant – Oromases de Gérard Théruel et avec l’assez frustre Abramane de Evgueny Alexiev ou des comparses suédois qui pour surveiller leur diction – assez formidable Amélite de Sine Bundgaard – n’en chante pas moins souvent à coté de la langue. Bémols majeurs d’un événement absolu pour qui aime et Rameau et l’opéra baroque.

Jean-Charles Hoffelé

Anders J. Dahlin, Anna-Maria Panzarella, Gérard Théruel, Evgneny Alexiev, Sine Bundgaard, Les Talents Lyriques, Chœur et Orchestre du Théâtre de Drottningholm, Christophe Rousset. Mise en scène Pierre Audi. 2 DVD Opus Arte OA 0973 D.

Partager par emailImprimer

Derniers articles