Journal
Elias de Mendelssohn à l'Opéra de Lyon - Un prophète en carton - Compte-rendu
Calixto Bieito aime les boîtes en carton, les douches et les mouvements de foule. Pour illustrer l’oratorio de Mendelssohn (coproduit avec le Theater an der Wien), on retrouve ces éléments qui ont plus ou moins bien réussi à son Guerre et Paix (2021) et sa Lady Macbeth de Msensk (2023), tous deux à Genève.
Elias (1846), ici chanté en allemand (on aurait préféré la version anglaise, plus fluide, des créations de Birmingham et Londres), laisse sur notre faim. Pourtant le livret biblique est un morceau de choix pour un metteur en scène, que l’on songe à Romeo Castellucci dans Scarlatti et Schönberg, au Messie de Claus Guth, à Jephtha selon Jean-Marie Villégier. Peu d’intrigues, des narrations fortement métaphoriques et, comme c’est ici le cas, un point de vue radical sur le fait religieux et ses violences larvées.
Mendelssohn et son librettiste Julius Schubring ont choisi quatre épisodes de la trajectoire du prophète ; la sécheresse dont souffre le peuple, les menées d’un roi corrompu ; l’affrontement avec de faux dieux versus l’adoration d’un autre qui n’est plus le Jaloux de l’Ancien Testament, mais le Bienveillant apparu « comme la brise après la tempête », sorte d’anticipation du Nouveau Testament et du Christ.
Sur le plateau, vingt-quatre échelles métalliques s’abaissent et se relèvent, escaliers mystiques et portes de prison pour un peuple humilié. Difficile, à cet instant, de ne pas songer aux évènements du Proche-Orient.
Elias est l’imposant Derek Welton, par ailleurs superbe Wotan et Amfortas à Dresde et Bayreuth. Une autorité servie par un timbre de bronze, parfois un peu trop tendu. L’homme tire une église en carton. Le peuple des Israélites, toujours rebelle, la met en pièces avant de s’en repentir durant plus de deux heures …
Mais les mouvements de cette foule resteront abscons tant ils sont pollués d’attitudes insignifiantes. Pourquoi cette femme s’étrangle-t-elle? Qu’a donc cette autre, grimée comme la Giulietta Masina de La Strada de Fellini, à courir ainsi de droite à gauche en se gratouillant ? Que viennent faire ce ténor (le bien hésitant Robert Lewis) et son jerricane ? Après tant d’agitation, on est soulagé d’assister à la non-assomption du prophète. Si Bieito a voulu s’en prendre aux vaticinations du fait religieux, ses arguments sont restés illisibles.
Côté musical, on est davantage à la fête. Les Chœurs de l’Opéra de Lyon, magistralement menés par le jeune Benedikt Kearns, enchantent à chacune de leurs nombreuses interventions. Mendelssohn y honore Haendel mais également à Bach, par exemple dans le Es ist genug chanté par Elias, référence au Ich habe genug de la cantate BWV 82. Quant aux dames, la soprano Tamara Banjesevic, la mezzo Kai Rüïtel-Pajula et l’alto Beth Taylor, elles sont resplendissantes d’émotion comme d’émission. En fosse Constantin Trinks déroule avec nervosité et bonheur cet oratorio au romantisme ombrageux.
Vincent Borel
Opéra de Lyon, mardi 19 décembre ; prochaines représentations les 21, 23, 27, 29 décembre 2023 et 1er janvier 2024
www.opera-lyon.com/fr/programmation/saison-2023-2024/opera/elias
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