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Ermione en version de concert au Théâtre des Champs-Elysées - Splendeurs rossiniennes – Compte-rendu
Redécouverte tardivement, Ermione (1819) – sixième des neuf opéras napolitains que Rossini composa pour Isabella Colbran (1785-1845) – demeure une rareté ; son exécution en version de concert à Paris faisait partie des événements musicaux de l’automne à ne pas rater.
Modèle d'équilibre et d'inventivité, porté par l'exubérante écriture d'un compositeur inspiré qui allait marquer l'histoire lyrique, cette partition est sans doute l'une des plus accomplies d’une période charnière avec Armida (1817) et Zelmira (1822) - que nous aurions dû applaudir l'an dernier au TCE, si les attentats du 13 novembre n'avaient pas eu lieu...
Fervent défenseur du maître pesarais, Alberto Zedda (photo) confirme à 88 ans son immense ascendant sur la sphère rossinienne. Son énergie, sa discipline musicale et sa vision d'ensemble innervent chaque scène d’une Azione tragica issue de la mythologie, qu'il dirige avec une liberté de ton et une passion prodigieuses. Sous sa baguette, l'Orchestre de l’Opéra de Lyon sonne avec éclat et se laisse admirer sans réserve, dominant les feux mal éteints qui consument l'héroïne. Pour incarner ce personnage torturé, qui cultive maladivement la haine et l’amour, le besoin de vengeance et celui du pardon, la soprano américaine Angela Meade est tout simplement idéale.
Angela Meade © Faye Fox
Toutes griffes dehors, elle fait preuve d'un tempérament vocal hors du commun pour restituer la sauvagerie de celle qui n'hésitera pas à demander à Oreste la mort de Pirro, avant de lui reprocher de s'être exécuté. Douce et violente, calme et éruptive, Ermione trouve en cette artiste une voix à l'étendue impressionnante, capable de poitriner sans peine, de vocaliser avec une ardeur rare et de faire briller un aigu charnu, relevant les défis imposés à la créatrice, qui ne put cependant résister à ce traitement que quelques saisons, avant de perdre l'usage de son instrument. Intense et vulnérable, Angela Meade a électrisé le public lors de sa grande scène de folie « Essa corre al trionfo » au second acte, faisant se succéder piani éthérés et cadences ébouriffantes propres à un vrai soprano dramatique d'agilité.
Michael Spyres © michaelspyres.com
En Pirro, Michael Spyres a également triomphé d'une tessiture extraordinairement développée, parvenant à faire oublier le souvenir pourtant vivace de Chris Merritt – à Pesaro en 1987 – tant sa vélocité et la beauté de ses graves se sont avérées exceptionnelles.
Dmitry Korchak n'était pas en reste, courageux et imperturbable devant les écarts et autres sauts d'octaves réservés à Oreste, même si Rockwell Blake – toujours à Pesaro – faisait valoir une longueur de souffle encore plus inouïe dans l’air d'entrée « Reggia abborrita ».
Troisième ténor réquisitionné, Enea Scala, en présence de tels partenaires, s’est senti pousser des ailes et n'a pas hésité à se hausser du col pour se faire remarquer, avec tout de même une certaine tendance au hurlement. Seul point faible, l'Andromaca inexpérimentée de la jeune mezzo Eve-Maud Hubeaux, fâchée avec la justesse et dont les vocalises n'étaient pas toujours très nettes – succéder à Marilyn Horne dans ce rôle n'est évidemment pas simple ... Honnêtes comprimari (Patrick Bolleire, Josefine Göhmann, Rocio Pérez et André Gass), superbes Chœurs de l’Opéra de Lyon préparés par Philip White.
François Lesueur
Rossini : Ermione (version de concert) - Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 15 novembre 2016
Photo Alberto Zedda © DR
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