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Esa-Pekka Salonen dirige les Gurrelieder au Festival de Saint-Denis – En terre de connaissance – Compte-rendu

La démesure des Gurrelieder – gigantesque ouvrage achevé en novembre 1911 par Schoenberg au terme de onze ans de travail – exige un orchestre mahlérien, cinq chanteurs, des chœurs et un récitant. Esa-Pekka Salonen (photo) a toujours été fasciné par cette partition, dont il a d’ailleurs réalisé un enregistrement avec l’Orchestre Philharmonia (Signum/2009). Dans le vaisseau de la Basilique de Saint-Denis, avec la même phalange et à quelques jours de son soixantième anniversaire, le chef finlandais aborde l’œuvre avec l’élan qu’on lui connaît et un souci permanent de clarté. Le climat d’ensemble en devient moins étouffant que sous d’autres baguettes plus expressionnistes, au risque de sacrifier un part de lyrisme et de poésie.
 
A l’actif de cette conception parfois impressionniste, un équilibre, une continuité dans le déroulement des différents épisodes et une fluidité seulement interrompue par des contrastes trop accusés. Malgré un Philharmonia aux cordes voluptueuses et aux pupitres engagés, l’ouvrage perd en humanité ce qu’il gagne en autorité : l’aisance du geste comme la perfection d’une direction attentive aux moindres départs laissent toujours admiratifs. Un travail de chef-compositeur qui analyse chaque détail et l’intègre dans une conception d’ensemble architecturée.
 
Sûr, puissant, le wagnérien Robert Dean Smith possède l’endurance exigée du personnage de Waldemar même s’il n’a pas le timbre le plus séduisant du monde. Au pied-levé, Camilla Tilling incarne une Tove mozartienne avec finesse et subtilité, ne manque qu’un soupçon de sens dramatique. Michelle De Young – vaste ambitus et forte personnalité – incarne hélas trop brièvement une Waldtaube émouvante qui réussit à vaincre sans difficulté les climax symphoniques semés en chemin. Rôles secondaires magnifiquement tenus : Paysan de luxe chanté par la remarquable basse David Soar, sardonique et déjanté Klaus de Wolfgang Ablinger-Sperrhacke. On pourra trouver excessive l’interprétation très Sprechgesang de Barbara Sukowa en narratrice bien qu’elle soit rompue à cet exercice depuis de nombreuses années.
 
Les Chœurs professionnels du Philharmonia comme ceux des étudiants du Royal College of Music et de la Guildhall School of Music and Drama, confinés dans le narthex de la Basilique, peinent à se faire entendre, mais au moment de l’hymne final leur intervention solaire met en valeur la moirure des voix. Deux heures de musique ininterrompue suivies par un public qui se libère enfin au moment des applaudissements - enthousiastes !
 
Les grandes fresques chorales font l’événement cette année au Festival de Saint-Denis et l’on attend le Requiem de Berlioz, sous la baguette de Valery Gergiev à la tête de l’Orchestre National de France pour un doublé de clôture (4 et 5 juillet) qui ne devrait pas manquer d’allure lui non plus.
 
Michel Le Naour

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Saint-Denis, Basilique, 26 juin 2018 / www.festival-saint-denis.com/fr

 Photo © DR

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