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Falstaff selon Barrie Kosky au Festival d’Aix-en-Provence – Croquer la vie ! – Compte-rendu
Tournant le dos à une imagerie qui fait régulièrement de Falstaff un adipeux personnage, suant et rotant, le metteur en scène australien Barrie Kosky a décidé de lui rendre son humanité. Et bien lui en a pris. Sous les traits de Christopher Purves, c’est en bonhomme pas si gros que ça et singulièrement attachant qu’il prend vie. Un solitaire mélancolique et épicurien qui voit le temps passer trop vite et qui croit toujours en ses charmes d’antan. Totalement convaincu par lui même, Sir John Falstaff va se mettre en tête de conter fleurette aux commères Alice et Meg. Certainement pour tenter de se prouver qu’il est toujours en vie, qu’il est toujours un séducteur incontournable, ce dont il est auto-persuadé, plus que pour aller chercher quelques subsides, alors qu’il n’a plus un sou en poche.
© Monika Rittershaus
Barrie Kosky s’empare à bras le corps de ce personnage hors du commun pour livrer une mise en scène dynamique et comique mais aussi sensible et parfois mélancolique. Mise en scène gourmande, aussi, qui débute sur un Falstaff en train de cuisiner, nu sous son tablier, les fesses à l’air ; puis les scènes des actes I et II seront meublées, au noir, par l’énoncé suave de recettes alléchantes tout droit tirées de l’incontournable Guide Culinaire d’Auguste Escoffier. Quant à la rencontre entre Falstaff et Alice, elle se fera autour de pâtisseries monumentales avant de s’achever, pour le héros malheureux, dans les eaux de la Tamise. Bref, gourmandise et rires sont à l’affiche.
© Monika Rittershaus
Une soif de vie empoignée à plein jeu et à pleine voix par Christopher Purves dont la performance va bien au-delà de la simple incarnation scénique et vocale. Il y a de l’âme et de l’émotion à fleur de peau tout au long de sa prestation. Avec lui, Barrie Kosky a tapé dans le mille, au milieu du cœur, tout en titillant l’estomac ! Pour accompagner la performance de Sir John, Stéphane Degout est un Ford idéal, imposant la présence retenue et figée, mais bouillonnante à l’intérieur, du cocu qu’il pense être tout en exploitant les ressources de son baryton quasi parfait. Quant au Fenton de Juan Francisco Gatell, il est dans la droite ligne voulue pour son personnage par le metteur en scène, faite de désir coquin et de légèreté.
© Monika Rittershaus
Le quatuor féminin est lui aussi au diapason avec une Alice Ford (Carmen Giannattasio), voluptueuse Barbie au soprano assuré, la Mrs Quickly haut perchée et fort coquine de Daniela Barcellona, beau mezzo tout en souplesse, la Meg Page d’Antoinette Dennefeld et la délicieuse et aguichante Nannetta de Giulia Semenzato au timbre agréable. Gregory Bonfatti (Cajus), Rodolphe Briand (Bardolfo) et Antonio di Matteo (Pistola) complétant idéalement le casting.
Dans la fosse, Daniele Rustioni, à la tête d’un superbe orchestre de l’Opéra de Lyon, s’amuse comme un fou, espionnant chaque note d’une partition superbement construite pour en livrer la substantifique moelle. Vous avez dit substantifique moelle ? Rabelais, Gargantua, Falstaff. Il est temps de passer à table. Boire, manger, aimer…
Michel Egéa
Verdi : Falstaff – Festival d’Aix-en-Provence, Théâtre de l’Archevêché, 1er juillet 2021 ; prochaines représentations les 3, 6, 8, 10 & 13 juillet 2021 (21h 30). En direct sur France Musique et sur Mezzo le 6 juillet à 21h 30 // festival-aix.com
Photo © Monika Rittershaus
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