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Fayçal Karoui, Denis Matsuev et le Campus Orchestra du Annecy Music Festival - Haut voltage – Compte-rendu
On en a oublié la sinistrose due au mauvais temps qui plombait les rives de ce lac enchanteur ! Qu’on imagine : 103 jeunes gens de 15 à 25 ans, venus de tous horizons, notamment 18 Russes, et la musique comme axe rassembleur de ce mondialisme bien compris, portés par l’énergie d’un âge prêt à tout dévorer, l’envie de se mesurer aux autres et d’abord à soi-même, et enfin le bonheur de côtoyer des musiciens aussi prestigieux que ceux du Philharmonique de Saint-Pétersbourg, pilier de la manifestation depuis 5 ans. Tout cela fédéré par un travail intensif de douze jours, pendant lesquels ils n’ont eu qu’un dieu, le chef Fayçal Karoui, avec son charisme irrésistible, et son engagement bien connu pour dynamiter les orchestres et les énergies, et débouchant sur ce concert unique.
Pour sa deuxième session, le Annecy Campus Orchestra, soutenu par le mécène Andrey Cheglakov, fait la joie de son créateur Pascal Escande, qui, directeur artistique du festival en duumvirat avec son ami le virtuose Denis Matsuev, se mobilise avec une passion jamais en défaut pour soutenir la musique vivante. Matsuev, justement : on sait la colossale virtuosité de ce pianiste perturbant par sa violence et ses coups de feu. Et là, le contraste avec la tendresse fiévreuse de Karoui, l’éblouissante dureté du pianiste en regard de la sensualité torride du chef, ont fait de Rhapsody in blue, jouée devant un public ébahi, un moment de pure électricité. Gershwin est une subtile synthèse entre glamour et punch : le soliste avait à coup sûr privilégié le second. Avant qu’il ne se lance dans des improvisations jazzy, notamment sur Les Feuilles mortes, avec une jubilation qui tenait de l’ivresse. Le piano Yamaha a eu l’air d’y survivre, ce qui dit l’excellence de la marque.
Le concert tout entier s’était voué à l’école américaine, que Karoui connaît bien, pour avoir dirigé pendant huit ans les spectacles du New York City ballet, ce qui lui donne une compréhension de la danse animale autant que musicale. Celle-ci, vibrant dans chaque mesure de Gershwin puis de Bernstein - Suite de West Side Story (en extraits)- permettait aux jeunes de l’orchestre de faire exploser leurs tempéraments. Au plan strictement technique, on a surtout apprécié le brio et la justesse des vents, particulièrement efficaces, plus que les cordes. Mais dans telle musique, le rythme est roi, et aucune faiblesse ne pouvait entacher sa réussite. Pour continuer dans la chaleur, la Danzon n°2 de Marquez, à laquelle Dudamel nous a habitués, avec cris, agitation et levers d’instrumentistes. Réjouissante musique à effets, qui déclenche la sympathie. Moment particulièrement chaleureux du festival que ce concert ouragan, ouvert sur des lendemains encore plus exaltants.
Jacqueline Thuilleux
Eglise Sainte Bernadette, le 26 août 2014
Photo © Yannick Perrin
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