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Fazil Say en récital au TCE – Semblable et différent – Compte-rendu
Fantasque, imaginatif, bousculant les cadres interprétatifs établis, le pianiste Fazil Say fascine ou irrite. Son récital au Théâtre des Champs-Elysées dans le cadre des Concerts du Dimanche matin est consacré à trois sonates de Mozart, un compositeur qu’il a souvent défendu au disque et au concert avec une liberté parfois désarmante. Partitions sur le pupitre, comme assagi, il réduit à la plus simple expression gestuelle l’exubérance jazzy qu’il manifestait jadis et naguère.
Dès l’attaque de la Sonate KV 331« alla Turca » (une profession de foi pour lui), rien ne semble avoir fondamentalement changé dans sa manière d’accentuer les syncopes et de varier le tempo au gré de sa fantaisie. Toutefois, la concentration et le sens poétique dont il fait preuve finissent par emporter l’adhésion. Le déferlement festif de cymbales et de tambours dans le final relève d’une énergie rythmique quasi beethovénienne.
Tout se calme ensuite et le soliste installe un climat de tendresse, de rêverie (Adagio) dans la Sonate « La Chasse ». La Sonate KV 545 « Facile » devient d’une évidence et d’un naturel convaincants quand l’interprète rentre ses griffes, parvenant à une tension prégnante dans l’Andante. Chaque inflexion paraît exprimer la détresse de l’homme en proie à la misère du monde. Fazil Say a mûri et face aux événements qui le tourmentent dans son propre pays, s’associe à cette douleur présente derrière les notes du divin Amadeus. Salle comble et enthousiaste, tandis qu’au premier balcon un drapeau turc marqué de la figure mythique de Mustapha Kemal se déploie.
Michel Le Naour
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 15 février 2015
Photo © Marco Borggreve
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