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Fedora d’Umberto Giordano au Grand Théâtre de Genève – Kompromat suisse – Compte-rendu

 

Est-ce la présence d’une importante communauté russe dans la riche Genève ? Le clin d’œil au troisième acte de Fedora, qui se déroule à Gstaad ? Ou le livret de Victorien Sardou, avec ses personnages issus de la noblesse slave décadente ? Autant de raisons qui ont inspiré au metteur en scène Arnaud Bernard une vision relativement contemporaine de ce drame de vengeance et de jalousie.
 

© Carole Parodi
 
On commence par googliser un kompromat imaginaire défrayant les news de la RTS. On assiste à son sordide montage durant un prologue muet montrant l’assassinat du fiancé de la princesse Fedora Romazoff. En coulisses, une équipe du FSB espionne et enregistre. Dommage que les images proposées hésitent sans cesse entre les années 1920 et 1970, car cette tentative de moderniser l’intrigue, déjà confuse, n’en facilite guère la lisibilité. Jouer pleinement le registre d’une oligarchie contemporaine aurait apporté davantage de clarté.

 

© Carole Parodi
 
Mais finalement, peu importe, car ce mélodrame aux faux airs de Tosca est essentiellement une affaire de voix et d’endurance pour le rôle-titre. Il semble avoir été taillé sur mesure pour Aleksandra Kurzak. Plastique aristocratique, engagement dramatique, instrument voluptueux, : confortable dans les graves, tranchante et lumineuse dans le registre haut, elle délivre de superbes sons filés, avec un je-ne-sais-quoi de capiteux et de blessé. Loris, son malheureux amant, est Roberto Alagna. La voix, que l’on sent désormais plus fragile, reste celle d’un ténor royal et solaire. Intensité, phrasé impeccable, et surtout cette fantastique générosité du chant que la planète entière lui reconnaît. On ressort de ce mélodrame à nouveau heureux du don que cet artiste incomparable nous fait.
 

© Carole Parodi
 
Aux côtés du duo star, des seconds rôles solides, comme le Siriex de Simone Del Savio ou l’Olga perverse de Yuliia Zasimova. Une surprise de taille : la présence de David Greilsammer, en véritable pianiste façon Franz Liszt, à qui revient un moment clé de la partition, l’accompagnement au piano d’un trop court duo du deuxième acte. C’est là l’une des belles surprises musicales d’Umberto Giordano, avec le chant enfantin du final qui nous renvoie brièvement au Tour d’écrou de Britten comme à Wozzeck. Le vérisme devient soudain autre chose qu’une déferlante de sentiments sirupeux. La direction d’Antonino Fogliani et l’Orchestre de la Suisse Romande mêle élégance et souplesse. Les chœurs (préparés par Mark Biggins), ici bien plus figurants que protagonistes, restent, comme à leur habitude, impeccables. Notons que pour les représentations des 14 et 21 décembre, le couple Alagna cédera la place à Elena Guseva et Najmiddin Mavlyanov.
 
Vincent Borel
 

> Les prochains opéras en France, Suisse, Belgique <

 Giordano : Fedora – Genève, Grand Théâtre, 12 décembre ; prochaines représentations les 14, 15, 17, 19, 21 & 22 décembre 2024
www.gtg.ch/saison-24-25/fedora/
 
Photo © Carole Parodi

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