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Festival de Herrenchiemsee - Retour vers le futur 3 - Questions à Enoch zu Guttenberg, chef d’orchestre et directeur artistique

Depuis dix ans, le public reçoit, fasciné, les mirages que lui renvoient les glaces de la fastueuse galerie de 100 mètres de long imaginée par Louis II de Bavière dans son troisième château. Mais la musique qui y résonne, est elle, bien vivace, et sous l’action conjuguée de son dramaturge Jörg Schönmetzler et de son fondateur et directeur artistique, l’énergique chef Enoch zu Guttenberg, elle multiplie et affine ses approches. Cette année, il y a 125 ans que le souverain disparaissait dans le mystère de son Lac, et une exposition lui est consacrée par le Land de Bavière. En contrepoint, quatorze concerts, dont cinq soirées d’opéra, en version semi-scénique, des stars telles que Kristjan Järvi, Heinrich Schiff, voilà un « Retour vers le futur », thème de l’année, vers lequel on s’embarque déjà grisé. Enoch zu Guttenberg éclaire cette traversée.

Le thème choisi est ambivalent ?

Il a été la force motrice de l’époque de Louis II, enfant de son époque, et salué par Paul Verlaine en 1886 comme le seul vrai roi du siècle. Bien que copiant Versailles, le souverain se passionnait pour les dernières technologies. Ainsi son château comporte aussi un chauffage central et des toits de verre pour l’aération, ouvrants grâce à un mécanisme hydraulique, outre un système d’interphones. L’époque élaborait des constructions en acier, verre et béton. Mais pour des usines gothiques, des gares de style renaissance et des villas baroques ! Notre programme fourmille d’exemples de ce retour vers le futur sur le plan musical : la transcription de Pergolèse par Stravinsky dans Pulcinella, mais aussi Schnittke, utilisant le chant grégorien pour s’élever contre Dieu et le monde dans son Requiem, et Gubaidulina, qui écrivit In Croce dans la tradition de Schütz et Haydn. J’ai également tenu à diriger la Messe de Sainte Cécile de Gounod, car il s’y réfère à la musique sacrale de l’époque de Palestrina. Quant à Verdi, dont nous jouons Falstaff, il anticipe sur le mode de conversation musicale employé au XXe siècle, mais sur une base shakespearienne.

Quelle place attribuez-vous à Wagner dans ce contexte ?

La Galerie des Glaces ne permet pas de donner les Maîtres Chanteurs de Nuremberg ou le Crépuscule des Dieux sur une scène dont la largeur est de moins de 10 mètres. Bien sûr, nous aurions pu jouer des extraits de Tristan ou de Parsifal. Mais cela ne m’a pas paru la bonne approche. Finalement nous présentons la musique à laquelle le roi s’identifiait le plus, le Prélude de Lohengrin, les Wesendonck-Lieder et Siegfried-Idyll avec le Münchener Kammerorchester Et nous biaisons un peu, à travers une douzaine d’exemples, ainsi la Symphonie en ré de César Franck, qui débute par une citation de la Walkyrie.

Comment intégrez-vous la figure et les goûts de Louis II à cette programmation, en dehors de sa passion wagnérienne ?

Avec un programme de cantates de Bach, que je réunis pour en faire une sorte de Requiem pour Louis II. Un type de programme dont j’aimerais faire une tradition. Egalement avec La Flûte enchantée, qui figurait sur le programme des représentations privées à l’Opéra de la cour royale, en novembre 1879. Cette production de l’année passée a remporté un tel succès que nous la reprenons, avec toujours l’Orchester der KlangVerwaltung. Et avec l’évocation de la passion du souverain pour l’époque baroque, car dans ses châteaux, des ballets cherchant à faire revivre les splendeurs de Louis XIV et XV étaient constamment donnés.

Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux

Festival de Herrenchiemsee, du 11 au 24 juillet 2011
Programmation détaillée : www.herrenchiemsee-festspiele.de

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Photo : DR
 

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