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Festival de l’Opéra chinois à la Comédie des Champs-Elysées – Des sons et des couleurs – Compte-rendu

 

 
Comment s’y reconnaître, pour le spectateur occidental moyen, dans cette abondance de couleurs, de manières délicates, d’ondoiements, de manches immenses, de frôlements sur fonds de musiques enjôleuses, et enfin dans ces longues mélopées vocales que les chanteurs-acteurs font onduler, si l’on n’est pas initié ?
 
Il faut donc oublier ses repères, et se laisser intriguer, puis séduire par le spectacle chatoyant mais parfois dramatique qu’offre l’opéra chinois montré par le Théâtre Yue Zhejiang Xiaobaihua (fondé en 1984), présenté comme l’un des atouts majeurs de la ville de Xitang et que le 60nniversaire des relations diplomatiques franco-chinoises permet de découvrir. À dire vrai, la salle était remplie d’une assistance à peu près exclusivement chinoise avec quelques rares occidentaux pour goûter cette série d’extraits de ce qui est là-bas appelé opéra, même s’il ressemble peu au nôtre, et s’apparente plus au théâtre chanté qu’à nos formes lyriques.
On se doit de rappeler que après l’Opéra de Pékin, plus que fameux, le théâtre Yue, genre extrêmement populaire dans une Chine ancestrale et redevenu très vivant au XXe siècle, se compose de troupes féminines, et met en scène des histoires issues du corpus théâtral local, reposant essentiellement sur des histoires d’amour, susceptibles justement de toucher un public plus spécifiquement féminin.
 

L'Orphelin de Zhao © DR
 
Un décor fleuri, verdoyant, comme dans les peintures chinoises les plus charmeuses sert donc de cadre à une série de scènes puisées dans le patrimoine chinois, notamment l’Orphelin de Zhao, pièce du XIIIe siècle dont la traduction arriva en occident au XVIIIe siècle et fut utilisée par Voltaire pour son Orphelin de la Chine, ainsi que Cimarosa, Galuppi, Hasse et quelques autres : une histoire terrible d’enfant sacrifié par son père pour permettre de sauver à sa place l’héritier d’une grande famille, seul survivant d’un massacre. Il s’agit là du plus oppressant moment de la soirée.
 
Mais pour le reste, on l’a dit, ce sont surtout tourments amoureux, fiançailles brisées, retrouvailles quasiment dans l’au-delà, feuilletant les facettes des tourments du cœur comme s’il s’agissait des rayons d’un arc en ciel, délicat, vibrant,  répétitif. Les actrices sont fantastiques,  vêtues de robes pastel et de capes arachnéennes, ou plus lourdement parées d’or et de vermillon, quand elles n’incarnent pas un amoureux transi et barbu. Enchantement tout à fait kitsch pour nous, mais dont on ressent le charme tant il est porté à la perfection, voix langoureuses, sur des mélodies sirupeuses ou pointues, dont on ne nous aura pas dit l’auteur, mais dont on doute qu’elles proviennent du XIIIe siècle, avec par intermittence l’intervention de vrais hommes, musiciens jouant d’instruments traditionnels.
 

Le Rêve dans le pavillon rouge © DR
 
Certaines pièces lassent, d’autres sont véritablement prenantes, notamment l’extrait du Rêve dans le pavillon rouge (photo), où certains exégètes disent trouver quelque correspondance avec la Comédie humaine de notre Balzac. Balzac donc, vénéré là-bas, et cité dans les surtitres qui prolongeaient astucieusement la mise en situation opérée par une ravissante actrice-présentatrice, dont le nom, lui, n’était pas indiqué (pas plus que l’origine des musiques). Mais les trésors n’ont pas d’odeur, ils n’ont qu’une âme et on l’a quelque peu respirée dans ce gracieux fourmillement d’images chantantes, poétiques et charmeuses. Le public, lui, était aux anges devant ce régal national.

Après le florilège présenté à la comédie des Champs-Elysées (et repris au théâtre du Gymnase le 22 octobre), le Festival de l’Opéra chinois se poursuit au théâtre Libre, les 21 et 22 octobre, avec le Pavillon aux Pivoines.
 
Jacqueline Thuilleux
 

Festival de l’Opéra chinois

Paris,  Comédie des Champs-Elysées, le 15 octobre 2024, reprise le 22 octobre 2024  // www.theatredugymnase.com/spectacles/yue-opera-festival-de-l-opera-chinois-2024
 
Le Pavillon aux Pivoines, Paris, Théâtre libre, les 21 & 22 octobre 2024 // www.le-theatrelibre.fr
 

Photo © DR

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